« D'abord, d'où me vient cette obsession de devenir écrivain ? J'aimerais bien en avoir le cœur net ! C'est même peut-être pour le savoir que je noircis tant de pages. Et n'est-ce pas pour répondre à cette question que j'ai commencé d'écrire ? » Voilà un petit passage qui donne un avant-goût du dernier ouvrage d'Alain Nadaud, « La Plage des Demoiselles ». Dans cet ouvrage, qui se veut autobiographique, le narrateur explique les raisons qui l'ont poussé à écrire. Hanté depuis sa jeunesse par le projet de devenir écrivain, il passe par des moments tantôt de bonheur tantôt de déprime. Il prend la décision d'écrire mais le voilà qui se ravise aussitôt, jugeant que ce n'est pas encore le temps propice, ou sous prétexte que ce qu'il vient d'écrire n'est pas bon à publier. Alors, il détruit tout et recommence. C'est que pour lui l'écriture demeure un mirage qui s'évanouit dès qu'il s'en approche. Et ce n'est qu'après des années marquées d'événements graves vécus par le narrateur, qu'il parvient à réaliser son rêve : devenir écrivain. Cependant, l'écriture chez le narrateur reste indissociable de ses relations avec les femmes. On aime la littérature comme on aime une femme, affirme-t- il, sans détours. Car, «si j'aime la littérature, c'est avec des maladresses identiques à celles que je commets lorsque je courtise une femme… » L'écriture exerce donc sur lui un attrait semblable à celui d'une femme fatale, irrésistible, inatteignable telle une déesse dans sa tour d'ivoire, qu'on cherche en vain à aborder, à s'en rapprocher, à conquérir. A travers le récit de ses aventures vécues avec les femmes rencontrées, on décèle cette corrélation établie entre la femme et la littérature. D'ailleurs, l'amour de la littérature est assimilé à celui des femmes, avec tout ce qu'il comporte de sentiments ardents, de jalousies, de caprices, de tourments, de joie, de bonheur et de malheur ! Durant plusieurs années de son existence, le narrateur semble condamné à être tiraillé entre deux feux, deux passions : littérature et femmes ; deux concurrentes, souvent trop exigeantes et difficiles à satisfaire, se disputent le cœur du narrateur, sans pour autant l'empêcher de poursuivre sa vocation et de réaliser son dessein : devenir écrivain. Il a vécu les événements de mai 68, travaillé comme moniteur de colonie de vacances, puis comme contrôleur de travail ; il a quitté la France pour la Mauritanie pour y travailler comme enseignant de langue française, pendant deux ans, en guise de service militaire effectué dans la coopération ; enfin, il est nommé en tant que professeur d'université en Irak et c'est là qu'il voit son rêve se réaliser et une carrière littéraire commencer. Elle durera plus de quarante ans et verra la publication de pas moins d'une vingtaine d'ouvrages ! Mais aurait pu prévoir qu'après ce long parcours littéraire émaillé d'éclatants succès, Alain Nadaud prendra la décision de mettre fin à sa carrière d'écrivain dans son livre « D'écrire, j'arrête » qui, aussi paradoxal que cela puisse paraître, parut en même temps que « La Plage des Demoiselles », où l'auteur expose les motivations de sa vocation d'écrivain ? Hechmi KHALLADI * La Plage des Demoiselles / Alain Nadaud ; Editions Léo Scheer, octobre 2010.