Alain Nadaud, écrivain français, est bien connu des Tunisiens passionnés de littérature, s'étant installé depuis quelques années dans notre pays. De 1984, date de son premier livre « Archéologie du zéro », il a publié plus d'une vingtaine d'ouvrages dont les deux derniers viennent de paraître en même temps (octobre 2010). Il s'agit de « La Plage des Demoiselles » et « D'écrire, j'arrête » qui ont fait l'objet d'une rencontre-signature avec l'auteur, vendredi 10 décembre, à la Médiathèque Charles de Gaulle à Tunis. Deux livres qui marquent en effet deux étapes importantes de la carrière littéraire de Nadaud, à savoir ses débuts d'écrivain et sa décision de renoncer à l'écriture. Si le premier relate le parcours d'une passion violente, ardente, voire enragée pour la littérature qui devient une manie, une nécessité ; le second, exprime, en revanche, le soudain dégoût de l'auteur pour l'écriture, à une époque où l'écrivain et le livre ne sont plus jugés à leur juste valeur par une société en passe de ne plus se reconnaître dans la littérature. Cette décision inattendue a sans doute provoqué des réactions auprès des lecteurs de Nadaud ; mais serait-elle irrévocable ? Entretien :
Le Temps : Tout d'abord, pourriez-vous nous parler, même de façon sommaire, de vos deux derniers livres?
A. Nadaud : Dans « La Plage des Demoiselles », le narrateur s'interroge sur le moment où il a pris la décision de devenir écrivain, une passion qu'il a choisie et pratiquée depuis son enfance, considérée au début comme une activité parasite jusqu'au jour où il décide que ce soit le centre de sa vie et non plus de côté et de faire de cette vocation son activité principale. Dans « D'écrire, j'arrête », c'est l'inverse, il s'agit donc du moment où il prend la décision de ne plus écrire. Donc, j'ai déjà pris cette décision, du moins jusqu'à présent ; je ne sais pas ce que l'avenir me réserve, mais en tous cas, comme il y a un moment où on décide d'écrire, il y a aussi un moment où on peut décider de renoncer à l'écriture.
Pourtant l'écriture a toujours été une nécessité dans votre vie, ne seriez-vous pas un jour contraint à y revenir ?
L'écriture, c'est toute ma vie, en fait. J'ai même travaillé dans l'édition ; ça fait quarante ans que j'écris et trente ans que je publie. Mais ce n'est pas une fatalité. Etre écrivain, ce n'est pas une chose qu'on a sur sa carte de visite. Ecrire, c'est comme faire du vélo : on se tient sur son vélo en équilibre tant qu'on pédale, quand on arrête de pédaler on tombe ! N'y a-t-il pas là un paradoxe quand vous décidez de renoncer à l'écriture en écrivant quand même tout un livre ? Etes-vous sûr de ne pas céder de nouveau à la tentation? Oui, peut-être ! De toute façon, vous verrez qu'à la fin du livre « D'écrire, j'arrête », il y a une petite pirouette qui répond un peu à votre question. J'avoue, en tant qu'écrivain, avoir ressenti l'envie de m'arrêter à chaque fin d'un roman, j'attends parfois le moment final de l'histoire pour m'en débarrasser et mener une vie normale comme tout le monde ; mais dès qu'un roman répond à une question, il en repose une autre qui sera traitée dans un nouveau roman. C'est que la vie d'écrivain est souvent partagée entre la tentation d'arrêter et le désir de continuer…
Depuis votre premier roman « Archéologie du zéro » y a-t-il un fil conducteur entre tous les livres que vous avez publiés?
Oui, c'est ce que j'ai voulu mettre en valeur ; si vous allez sur mon site, vous trouverez une partie du site que j'ai appelée « Architexture ». Je me suis aperçu (et je ne l'ai pas fait exprès !) que chaque livre construisait une sorte de maison d'une certaine architecture et en même temps une texture, un tissu où les fils sont entrelacés en une continuité et donc, après coup, j'ai constaté que chaque livre pose à la fin une question et au lieu d'y répondre il en pose une autre qui implique la naissance d'un autre livre. Chaque livre répond à une partie de la question en faisant naître d'autres questions qui feront l'objet d'un nouveau livre.
L'amour des femmes occupe une place prépondérante dans vos écrits ? Quelle relation y a-t-il entre la littérature et la femme ?
En effet, c'est un point que j'ai expliqué dans le dernier livre « La Place des Demoiselles » : il y a un rapport entre le sentiment d'amour et l'écriture, c'est-à-dire qu'on courtise une femme de la même façon qu'on le fait avec l'écriture, avec laquelle on entretient des rapports d'amour, de jalousie, de haine, de dégoût, de passion. Propos recueillis par Hechmi KHALLADI