Dans le cadre du projet “Mare nostrum”, financé par la Fondation Anna Lindh, un ouvrage relatant les aventures de Joha, célèbre personnage de fiction dans différents pays de la région, vient d'être publié en français, arabe et italien. Il aurait encore tellement de choses à dire, et de toute façon, il ne s'en prive pas. Intemporel et tenace, avec ses semelles de vent il parcoure le monde, Candide et Machiavel mêlé, à la recherche d'une nouvelle histoire à raconter, histoire de rappeler à chaque fois, quelque soit la latitude où il se trouve, que la culture, comme l'humain en nous, dans sa grande diversité, au final, riche d'enseignements, ne saurait nous séparer quand l'essentiel nous rapproche. Et peu importe les contingences de l'Histoire puisque tout est éternel recommencement, et qu'il suffirait de tendre l'oreille, comme au coin du feu lors d'une veillée, pour comprendre que le cycle des erreurs n'obéît pas à une fatalité mais à l'aveuglement des hommes. Juha a tout compris, et il nous a tendu la perche. A charge de revanche pour que la parole, quand elle est d'or, ne s'épuise pas secouée aux quatre vents, induisant un éternel recommencement. On peut se tromper une fois, une deuxième fois peut-être, la troisième serait, non pas une erreur de parcours, mais un aveuglement. Une cécité. Alors en prendre de la graine comme Jha, et voir grand pour transcender les écueils, d'une rive à l'autre, l'humain en ligne de mire. Pour que les générations futures puissent à leur tour prendre leur bâton de pèlerin et parcourir le vaste monde, dans la paix retrouvée, avec ce compagnon venu des fonds des âges, et dont on ne se lasse pas. Jolie aventure initiée dans le cadre du projet « Mare nostrum » financé par la Fondation Anna Lindh, qui a consisté à suivre le périple d'enfants issus de quatre pays différents de la Méditerranée, partis sur les traces de Juha, et qui a aboutie au final à la publication d'un livre : « Les nouvelles aventures de Joha en Méditerranée », en version trilingue (arabe, français et italien), emmené par la conteuse Catherine Gendrin qui a tissé la trame du palimpseste, autour des histoires inventées par les enfants, comme une manière de relier en beauté et en rêves, le passé au présent, pour mieux définir l'avenir. Créée en 2005, la Fondation Anna Lindh poursuit un objectif bien précis : celui de rapprocher les populations des deux rives de la Méditerranée en vue d'améliorer le respect entre les cultures. Vaste programme s'il en est, qui aura permis ici de faire se croiser les regards de petits écoliers, algériens, italiens, marocains et français, et de ressusciter un patrimoine immatériel précieux, inspiré par une oralité qui avait l'apanage de transmettre déjà, sans avoir à s'appuyer sur autre chose que la force de la mémoire qui transcende les clivages, ce qui est commun à notre humanité : l'universel né justement de la collusion entre une culture et une autre, à travers notamment les histoires de Djha. Djeha tel qu'en lui-même en Afrique du Nord, ou Goha ; Giufa ou Giucale en Italie, Nasr Eddine Hodja en Turquie, Mollah Nasr Eddine en Iran ou en Afghanistan, Afandi en Chine…, et la navé va. Voici donc Juha en Méditerranée, avec le regard des enfants de quatre villes : Marseille, Catania, Agadir, Oran, en attendant qu'il daigne poursuivre son voyage, magnanime et malicieux, ailleurs, plus loin qu'ici, ou très proche à piocher dans des cultures qui ne sont communes et qui nous parlent, par-delà les frontières, pour qu'il renaisse plus vivant que jamais. Il a encore tellement d'histoires à raconter…