Sauve qui peut. La formule est de mise quand il s'agissait de rentrer après l'annonce du couvre-feu. Il était question de prendre ses jambes à son cou, pour courir vite. Très vite. Sauf que par ces temps de crise, rentrer chez soi notamment quand on n'a pas la chance d'avoir sa propre voiture, relève du parcours du combattant. Zakaria, était de ceux-là. Le jeune homme qui devrait rentrer du côté du Bardo a mis quasiment une heure à attendre un taxi sur la route principale X3. Un emportement irraisonné s'en prend des conducteurs, empressés pour rentrer chez eux et adeptes du dicton qui dit « Après moi le déluge ». Et c'est-là que le jeune homme qui devrait aller chercher sa femme et sa fille repère un taxi qu'il hèle. Le taximan hélé ne lésine pas à accompagner son client à destination alors qu'il était déjà 19h00. « Le courage existe seulement où il y a du bon sens » commente le taximan gentil-homme qui répondait à l'appel téléphonique de son collègue travaillant dans la même région. « Entre collègues on s'entraide. J'appelle mes amis taxistes pour me renseigner sur le cheminement le plus sécurisé. Hier j'ai été chercher une femme à la cité Ettadhamen complètement saccagée. Je n'ai pas eu peur, car il était question de venir en aide à une femme qui me l'a demandé. » dit-il. Pour pouvoir cheminer entre les dédales des rues et des ruelles les plus sûres, il en faut de la patience, de l'obstination et aussi de solides connaissances du chemin à prendre. C'était le cas de ce taximan gentil homme dont le téléphone portable n'arrêtait pas de sonner. «Ne t'en fais pas mon ami, je vais m'en sortir. Je rentre illico presto dès que j'accompagne mon client », répond-il à l'un de ses collègues au bout du fil. Zakaria qui a, à un certain moment cru à tort, comme bon nombre d'entre nous, que les taxistes hélés se permettent, à la tête du client, de refuser d'accompagner nos concitoyens, était en mesure de changer d'avis. C'est bien le cas de Sémia qui tentait de rentrer depuis El Menzah en faisant confiance aux services de l'allo-taxi. Madame a pris le chemin de retour le cœur serré et barbouillé. Gonflé de chagrin pour une ville meurtrie. Le tout Tunis était mal ce jour-là. Le tissu social atteint de la gangrène attend le rétablissement. Patience, car « Tout vient à point à qui veut attendre »...