Dans les médias tunisiens, comme dans les médias internationaux, elle est maintenant connue sous le nom de la Révolution du Jasmin, quoique cette appellation ne plaise pas au journaliste palestinien et directeur du quotidien «Al-Qods Al Arabi», Abdelbari Attouane. Il lui préfère celle de la révolution des hommes libres. Mais quelle que soit l'appellation, il y a unanimité pour affirmer qu'il s'agit d'un phénomène qui ne se produit qu'une fois par siècle. Pour les Tunisiens, elle est comparable à celle de Ali Ben Ghedhahem, en 1864. La Tunisie a connu, au cours de sa récente histoire, plusieurs mouvements de protestation sociale - les plus âgés parmi nous, ont encore à l'esprit les événements de janvier 1978 et de janvier 1984 - mais jamais au niveau national comme à l'échelle internationale, un mouvement mené par les jeunes et avec des moyens pacifiques, soutenus par, il est vrai, les nouvelles technologies de l'information, n'est arrivé à déboulonner un régime totalitaire et à forcer son symbole à fuir le pays. Ce qui s'est passé et ce qui se passe aujourd'hui en Tunisie, laisse les projecteurs du monde, braqués sur ce petit pays du Sud de la Méditerranée. Etats comme peuples suivent de près le développement de ces événements, les uns hantés par la peur d'une contagion qui ébranlera leur pouvoir, les autres submergés par l'espoir de voir l'exemple tunisien se rééditer chez eux. Bien sûr, tous les pays et tous les peuples opprimés n'ont pas une armée imbue d'un sens du patriotisme comme l'est l'armée tunisienne. Cette formidable institution prouve qu'elle est l'un des rares corps restés en dehors des manigances et de la gangrène de la corruption et que son vrai rôle est d'être au service du peuple et non du régime. L'essentiel, aujourd'hui, est que le peuple, ceux qui ont mené la révolte et qui ont payé de leur sang le prix de la liberté, ne soient pas délestés de leur triomphe et pour que leurs acquis ne soient pas récupérés par les politicards de tous bords. Et qu'ils soient aussi à la hauteur de l'image reluisante qu'il donnent au monde, celle d'un peuple civilisé, refusant la tutelle et la dictature quelle que soit leur origine.