· Il ne passe pas un jour sans enregistrer des incidents de banditisme, de vols, de saccage, de troubles de l'ordre public · Le paysage tunisien d'aujourd'hui est entaché d'actes anarchiques et de défiances des structures étatiques · Le déséquilibre régional est apparu comme une réalité inquiétante nécessitant une intervention rapide.
La Tunisie d'aujourd'hui ne sera plus comme avant, et le retour en arrière est inadmissible. Le rideau de la dictature est tombé, et le tableau des 23 ans de règne est malheureusement noir. Pourtant durant le règne de Ben Ali on voulait nous montrer la vie en rose, et ils ont réussi à nous faire avaler cette pilule, malgré le décalage flagrant entre le discours et la réalité sur le terrain. Nous sommes aujourd'hui libérés et nos langues se sont délieés, mais la période de l'après révolution n'est pas de toute gaieté. Plusieurs vérités choquantes apparaissent. « Le miroir » qu'on maquillait durant 23 ans s'est cassé et on a découvert le vrai visage de la Tunisie.
Un grand banditisme organisé et anarchique, provoquant une insécurité inquiétante Depuis le départ du président déchu, l'insécurité dans le pays est le pain quotidien des citoyens. Il ne passe pas un jour sans enregistrer des incidents de banditisme, de vols, de saccage, de troubles de l'ordre public,…L'identité de ces criminels reste encore flou, dans un mutisme inquiétant du ministère de l'intérieur. On dit que ce sont des prisonniers évadés, des milices du RCD, des bandes organisées, des personnes poussées par des pays qui ne veulent pas la réussite de notre révolution…Autant d'hypothèses auxquelles il faut apporter des réponses urgentes, car le flou ne fait qu'attiser les tensions et le sentiment d'insécurité. La vérité est que la Tunisie regorge de grands bandits et criminels, qui se sont déchainés, en l'absence d'agents de sécurité et les limites de notre armée nationale. Ces criminels étaient endormis ou cachés et créent aujourd'hui une situation d'anarchie totale et une insécurité inquiétante, menaçant les acquis de notre révolution. Cette situation ne doit pas durer car elle a un coût économique, social et psychologique important. Le plus inquiétant est que ces criminels s'organisent de plus en plus et ont perdu toute peur des agents de police.
L'anarchie et le chaos Le paysage tunisien d'aujourd'hui est entaché d'actes anarchiques et de défiances des structures étatiques. Les citoyens occupent illégalement les terrains appartenant à l'Etat et commencent à bâtir des locaux et des habitations, les trottoirs du côté du Kram ont été occupés par des citoyens qui ont construit des locaux commerciaux, des habitations appartenant à des entreprises publiques occupées par des familles entières, …Le commerce parallèle enregistre un boom significatif en l'absence de tout contrôle, le commerce anarchique se déploie à grande échelle, et les violations du domaine public sont devenues monnaie courante. Dans la ville de Sousse, la vente de l'essence de contrebande dans les ronds-points de la ville se fait en plein jour et devant les yeux des agents de police et de l'armée, chose qui n'était pas envisageable il ya quelques jours. On a vécu aussi au rythme de fonctionnaires évinçant leurs PDG, leurs supérieurs hiérarchiques, des maires de villes, des délégués, des chefs de postes de police. Une situation qui a perturbé le fonctionnement de ces structures étatiques, ajoutant plus de troubles. Une anarchie qui montre un certain malaise social mais aussi une absence totale de l'Etat de droit. Le chaos menace ce pays, qui vient tout juste d'obtenir son « indépendance ». Les évènements nous apportent chaque jour leurs lots de surprises, mais aussi de malheur et de peur sur l'avenir de ce pays.
Une pauvreté inquiétante Le rêve de prospérité dans lequel on a vécu durant 23 ans, a viré au cauchemar. Depuis le 14 Janvier le vrai visage de la Tunisie est découvert. Le taux de pauvreté officiel est inférieur à 4%, mais apparemment le phénomène est encore plus important. Plusieurs milliers de familles tunisiennes vivent des situations alarmantes, surtout dans les régions de l'intérieur du pays. Le déséquilibre régional est apparu comme une réalité inquiétante nécessitant une intervention rapide. La croissance économique tunisienne n'a pas profité à tout le monde, mais à une poignée de personnes, qui ont usurpé les richesses du pays sans scrupule.
Une scène politique émiettée et pas mûre L'ancien régime avait créé un vide total sur la scène politique. L'hégémonie du RCD avec des partis satellites, n'a pas permis à nos politiciens d'atteindre la maturité nécessaire pour aborder l'après révolution. Avec l'obtention de l'autorisation pour 4 nouveaux partis politiques et plus d'une vingtaine ont déposé des demandes, la scène politique tunisienne est de plus en plus émiettée. L'ensemble des partis n'ont pas d'assise populaire importante, et ils ne sont pas structurés et mûrs pour proposer des programmes à la hauteur des attentes de la population. Aucune formation politique ne sort du lot, surtout après les procédures de dissolution du RCD. Ces partis sont entrés dans une guerre de règlement de compte et d'attaques virulentes. Les partis pro-régime de Ben Ali, connaissent un désordre avec une volonté de rompre avec le passé et évincer les anciens responsables. Cette situation des partis politiques risque de peser lourd durant les prochaines élections.
Un pouvoir croissant de la classe ouvrière Depuis le 14 Janvier, la Tunisie vit au rythme des grèves et revendications sociales. Des revendications légitimes en majorité, qui ont profité de la liberté acquise après la révolution pour exiger une régularisation urgente de leurs situations. L'UGTT joue un rôle important dans cette vague de soulèvement de la classe ouvrière. Les revendications tournent autour de la régularisation des agents temporaires, l'intégration des intérimaires, les statuts spéciaux et les augmentations salariales. Avant le 14 Janvier ces revendications étaient bien encadrées, et on réussissait à les maitriser, avec quelques concessions au compte-goutes. La lutte ouvrière est l'un des visages de cette révolution. Une classe sur laquelle s'est basée la croissance de certaines entreprises, et les profits réalisés par les riches du pays. L'absence d'une classe ouvrière active et revendicative durant l'ère Ben Ali était un des éléments qui ont attiré l'Investissement Direct Etranger. Le poids de la classe ouvrière sera certainement un des principaux titres sur la scène nationale. Il est ainsi important que la centrale syndicale joue son rôle pour canaliser et rationnaliser ces demandes, apparemment, effrénées.
Une déferlante médiatique inquiétante Il faut avouer que la liberté de la presse et des médias était inexistante, sinon limitée durant l'ère Ben Ali. Le grand manitou des médias, Abdelwaheb Ben Abdellah, tirait toutes les ficelles, et fait avancer ces pions sur la scène comme il le voulait. L'essentiel était de maintenir les bouches cousues, et les plumes ne faisant que l'éloge du « roi ». Aujourd'hui les médias tunisiens sont libérés de toutes contraintes et instructions. Ils se sont lâchés dans une course acharnée contre les symboles de l'ancien régime, et les pratiques corrompues. Or la scène médiatique n'est pas assez mûre pour jouer ce nouveau rôle, et c'est dans ce cadre qu'on assiste à plusieurs « bavures ». Dans un esprit de liberté d'expression, les médias ont ouvert leurs micros, et donner leurs pages à tout le monde pour dire ce qu'ils veulent, mais parfois n'importe quoi. Nous estimons que le rôle actuel des médias est d'orienter les gens vers les choix politiques et économiques, et leur expliquer les rouages de la scène, et les techniques juridiques et institutionnelles. Ce rôle est limité aujourd'hui par manque d'expérience et d'exercice, surtout en l'absence d'analystes chevronnées. En effet, on n'a pas en Tunisie, un Azmi Bichara, un Hasanin Heykel, ou un Abdelbari Atouane.
Le paysage de l'après révolution est encore brouillé. Les investisseurs nationaux et étrangers, manquent de visibilité. Les citoyens, qui ont fait la révolution ne savent pas à quel saint se vouer. Cette période d'instabilité ne doit pas durer plus longtemps car elle a un coût économique important qui risque d'hypothéquer nos rêves de prospérité, de plein emploi et de paix sociale. La seule vérité qui doit prévaloir après cette révolution est celle d'une Tunisie libre, démocratique, et prospère.