Des tribuns loquaces et avisés montent au créneau et prennent d'assaut les devants de la scène télévisuelle, des appels de détresse fusant de toutes parts. Une population hagarde et aux abois en quête de denrées alimentaires de base « lait-pain… ». Des rafales crépitantes systématiques tantôt sporadiques et intermittentes jettent en nous des sentiments d'inquiétude et d'insécurité. Et soudain les souvenirs s'égrènent et éveillent en nous les glorieuses épopées où jeunes que nous étions avides de revendications sociales légitimes, nous nous sommes dressés à l'unisson contre l'exploitation de la classe ouvrière et la mauvaise gestion des entreprises publiques et leurs dilapidations aussi bien de la part des responsables de l'époque que de leurs subalternes. Janvier 78, Janvier 84 -Entre temps, jeunes que nous étions mais incultes ni analphabètes, nous avons été obnubilés, influencés et enthousiasmés par des appels venus nous promettre justice-égalité et je ne sais quoi d'autre… Puis ce fut le réveil brutal, une réalité amère et dure de notre vécu, le pays sombrait alors et se dirigeait inéluctablement vers l'anarchie et le chaos. Survint alors l'avènement du 7 Novembre 87, auquel nous y avons adhéré en toute ferveur dévouement et spontanéité absolu. Rebelote janvier 2011, le temps a fait son travail une autre génération pleine d'aspiration et d'espoir nous succède. Nos enfants, une autre étoffe, une autre époque où règnent l'Internet. Le Facebook et où les frontières du savoir deviennent sans barrières et sans limites. Une jeunesse désemparée qu'elle est face à un destin de plus en plus compliqué confus et hantée par son devenir, une jeunesse qui tente et force le destin à la recherche de son idéal bravant les tempêtes houleuses de la Méditerranée à bord d'embarcations de fortune en contrepartie des sommes rutilantes pour les budgets dérisoires de leurs géniteurs pour regagner l'autre rive. Eldorado du Nord, hostile et inhospitalière face à ces intrus indésirables et là Victor Hugo nous interpelle « Combien de marins, combien de capitaines qui sont partis joyeux pour des courses lointaines », et ces courses et ses traversées devenaient de plus en plus pour cette jeunesse sans issue et sans retour. L'amertume et le désespoir s'emparent d'elle. Reste alors pour elle l'unique acte salvateur se sacrifier pour autrui, s'immoler par le feu et foncer sur la rue l'occuper au risque et péril de leurs âmes offrant leurs corps et leurs poitrines désarmés à des tireurs sans foi ni loi et sans pitié. Cette jeunesse héroïne n'a eu recours à l'aide de qui que ce soit ni à Bush ni à Thatcher pour déloger les tyrans du régime, elle nous a fait don de son existence de tout ce qu'elle a de plus cher, son âme… laissant derrière elle des familles entières endeuillées à jamais. Tel est en quelque sorte un bilan cauchemardesque dressé hâtivement. Et pourtant rien ne semble émouvoir ces illuminés prétendant détenir à eux seuls la vérité essentielle en s'appropriant le droit à s'ériger en messagers et en représentants des masses populaires, qui êtes-vous au juste ? Vous appelez à des élections anticipées dans un délai de 45 à 60 jours pour accaparer le plus vite possible le pouvoir et prendre les devants de la scène politique et mettre au pas toute une nation à votre merci. Comme l'ont déjà fait vos prédécesseurs. Messieurs, paradoxalement vous ne faites que reprendre le même refrain et vous nous faites entendre la même rengaine et tout cela a été déjà dit et promis – ça ne colle plus. Qui nous garantit qu'une fois montés sur le piédestal vous ne commettrez pas les mêmes abus et corruptions et asservissement déjà endurés par vos concitoyens crédules aux monts et merveilles promis et non réalisés par les autres gouvernants devenus par la suite en suceurs de sang et despotes du peuple. A l'heure où nous sommes, le pays a besoin de retrouver toute sa plénitude et sa confiance tout un édifice a été ébranlé, essayons tout d'abord de le remettre sur pied. Notre pays est en droit de se prévaloir d'une infrastructure économique et industrielle non négligeable et il nous revient à nous tous, Tunisiens, de préserver cet acquis précieux en cessant saccages et dilapidations. Tout comme les structures politiques et sociales à travers lesquelles nous pouvons agir et lesquelles nécessitent – ajustements – correctifs et réformes nécessaires et appropriées (constitution, etc…). Quand il y a le feu à la maison, il faut d'abord essayer de l'éteindre et ensuite chercher à élucider les causes. Il ne sert à rien de s'engager dans une chasse aux sorcières aveuglément, cela risque d'entraîner le pays dans une guerre civile. L'heure n'est guère aux règlements des comptes. Laisser la justice faire son travail. Nous sommes dans un pays bien structuré qui a sa constitution et ses assises. Nous n'avons pas le droit de ternir notre image de marque et la crédibilité dont nous jouissons auprès de nos partenaires occidentaux et du monde entier. De tout temps, le Tunisien s'est distingué par sa culture, son esprit tolérant et son civisme légendaire. Jugurtha, Hannibal, La Kahena, Daghbagi, Ben Ghedhahem, Okba Ibnou Nafaâ, Bourguiba, et j'en passe en disent quelque chose de grandiose. Nous avons un passé glorieux. Nous appartenons à une civilisation qui a généré Avicenne, Ibn Khaldoun, Ibn Rochd et j'en oublie. J'ai le sentiment que vous, que tout ce beau monde, est bien pressé et empressé même pour s'installer et occuper des sièges confortables qui deviendront par la suite des sièges éjectables. En toute chose il faut considérer la fin. Ne dit-on pas que le pouvoir use. Mais la Tunisie est autre chose, plus grandiose et plus noble que le pouvoir.