Tunis-TAP- Plusieurs partis politiques et militants de la société civile ont exprimé, dans des communiqués publiés, hier, leurs préoccupations face à la violente intervention des forces de sécurité, au niveau de la place du gouvernement à La Kasbah, suite à la proclamation de la nouvelle composition du gouvernement provisoire, pour disperser les manifestants. Le Mouvement "Ettajdid" a ajouté que tout en étant compréhensif quant à la responsabilité du gouvernement dans la préservation de la sécurité des citoyens, la protection des services publics et des biens publics et privés et la reprise des activités des services ministériels sur la voie de la réalisation des objectifs de la révolution, le Mouvement exige l'ouverture d'une enquête immédiate sur les événements survenus, vendredi soir, et de tenir informée l'opinion publique des résultats de cette enquête. Le Mouvement appelle à la mise en place d'une stratégie cohérente de formation des agents et des cadres de la sûreté, notamment en matière de traitement, dans l'avenir, des citoyens et de maintien de l'ordre, en se basant sur les règles en vigueur à l'échelle internationale. Le Parti Démocrate Progressiste (PDP) a, de son côté, exprimé son rejet et sa condamnation de la violence qui a ciblé les manifestants et les contestataires, appelant le gouvernement provisoire à respecter le droit à manifester et à s'exprimer de manière pacifique. Le PDP dénonce, également, le jet de pierres sur son siège à Tunis, vendredi soir, et l'attaque menée par les sympathisants d'un groupe politique parmi ceux qui revendiquent la chute du gouvernement. "Autant nous respectons le droit à la différence, autant nous condamnons fermement le recours à toute forme de violence entre les différents protagonistes politiques et appelons toutes les parties à recourir au peuple, seul arbitre", ajoute le communique du PDP. Certains membres du Conseil national de l'Ordre des avocats ont dénoncé, pour leur part, cette violente intervention des forces de sécurité, la considérant comme étant une escalade dangereuse de la situation, surtout après les signes rassurants donnés par les responsables gouvernementaux à certains membres du Conseil. Ils ont fait observer que cette attaque ne peut aucunement être justifiée, faisant assumer au ministère de l'Intérieur la responsabilité des dégâts physiques et matériels subis par les contestataires. Ils ont, d'autre part, lancé un avertissement contre les tentatives visant à ternir l'image des contestataires dans leur manifestation pacifique, en leur imputant des actes fabriqués de toutes pièces. Ils ont aussi alerté les médias d'adhérer à ses tentatives, revendiquant la libération de toutes les personnes arrêtées et d'ouvrir une enquête à ce sujet. De son côté, l'Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) a condamné fermement la poursuite du recours aux mêmes méthodes de répression pour disperser les manifestants et opprimer la liberté d'expression, précisant que ces agissements vont à l'encontre du processus démocratique pour lequel s'est sacrifié le peuple tunisien. Elle a, aussi, exigé l'arrêt immédiat de toutes formes de violence et de répression, et de faire prévaloir la voie du dialogue en tant que moyen civilisé de rapprochement et de compréhension entre toutes les franges de la société, réaffirmant que le droit à manifester et à l'opinion contraire est une garantie pour l'édification de la démocratie dans la Tunisie nouvelle et que les droits de l'Homme sont un tout indivisible. ---------------------------- Marche des élèves à l'Avenue Habib Bourguiba à Tunis Les imams prédicateurs demandent la levée de la censure du prêche du vendredi Des élèves ont organisé, hier matin à Tunis, une marche qui a parcouru l'Avenue Habib Bourguiba, au cours de laquelle ils ont dénoncé la violence utilisée vendredi par les forces de l'ordre pour disperser les manifestants à la place du gouvernement à La Kasbah. Par ailleurs, des imams prédicateurs des différentes régions du pays ainsi que des agents et cadres du ministère des Affaires religieuses ont revendiqué, près du complexe commercial "Le Palmarium" dans la même avenue, la levée de la censure du prêche du vendredi, qui était soumis, au cours de l'ère précédente, à des contenus préétablis fixés par le ministère de l'Intérieur". Un des imams manifestants a demandé "la régularisation de leur situation professionnelle et de leur garantir la couverture sociale". Les imams reçoivent une indemnité mensuelle de 150 dinars du ministère des Affaires religieuses. Ils ont, par ailleurs, appelé à renforcer l'information religieuse, déplorant la marginalisation du fait religieux, restreint aux seuls "chants religieux et liturgiques", soulignant la nécessité de contribuer à la diffusion des préceptes éclairés de l'Islam contre les courants rétrogrades que prônent plusieurs sites web et des chaînes satellitaires. ---------------------------- Revendications Les enseignants licenciés à cause de leur adhésion à Ennahdha, demandent justice A l'avenue Bab B'net les manifestations et les revendications ne s'arrêtent pas depuis le 14 janvier date historique. Cette artère où siègent les principaux ministères ainsi que les tribunaux enregistre la présence de centaines de citoyens qui viennent presque quotidiennement pour déposer leurs dossiers et demandes de règlement de situation. Des enseignants du secondaire licenciés abusivement depuis les années 90 à cause de leur appartenance politique, des jeunes ayant réussi au concours du CAPES et recrutés en tant qu'instituteurs, des employés contractuels…Une liste longue et riche en profils, c'est ce que nous pouvons voir presque chaque jour devant le ministère de l'Education. Samir Blidi, la quarantaine bien sonnée est licencié depuis 1992 de son poste en tant qu'enseignant du secondaire (Arabe) à cause de son appartenance au Mouvement Ennahdha. Il était avec des collègues qui ont vécu la même expérience en face du ministère de l'Education pour déposer les demandes de règlement de situation. Ils aspirent tous à regagner le domaine après avoir été licenciés à cause de leurs idées et pensées idéologiques. Ridha Mghirbi, professeur d'Arabe, Rabeh Tlili ainsi que d'autres clamaient haut et fort leur droit. Ils n'étaient pas d'ailleurs les seuls à demander la justice. Saida Draïi était elle aussi destituée de son poste en tant que professeur d'arabe « parce que je porte le voile », témoigne la dame qui essayait de se trouver une place dans la foule et être plus proche de la porte donnant accès au bureau des relations avec les citoyens. « Un bureau qui est supposé être ouvert pour recevoir les demandes des enseignants et des diplômés mais, il est toujours fermé », réclame Samir. Il ajoute même que « l'administrateur n'acceptait pas tous les dossiers comme il ne donnait pas des décharges à tous ceux qui ont déposé leurs documents ». « Ce sont toujours les mêmes procédures administratives qui s'appliquent depuis des années. Nous avons l'impression que rien ne change malheureusement », toujours d'après Samir qui n'a pas l'intention de céder ni de laisser tomber ses droits. « Je suis même prêt à entamer une grève de la faim s'il le faut. J'aurais recours aux médias internationaux pour faire passer mes messages et surtout avoir gain de cause, parce que j'ai été licencié abusivement par l'ancien régime », martèle Samir qui a réussi entre temps sa carrière professionnelle. Il prépare en fait un Master dans la spécialité civilisation. Il fait une recherche sur l'islamophobie : la France comme exemple.