L'activité dans le Port de Radès est paralysée ces derniers jours. Après ce qui s'y était passé les premiers jours juste après le soulèvement de la Révolution, notamment après que les forces de l'armée n'aient pris les rênes afin d'empêcher toute dérive, les quelques jours ayant suivi se sont essentiellement signalés par ce déluge de grèves. Le dernier en date est celui du personnel de la STAM (Société Tunisienne d'acconnage et de Manutention) dont les grévistes espèrent « améliorer leur situations sociales ». Au Port de Radés « il ne manquait que cela pour que les choses aillent de pis en pire », nous précise Moez Becha, directeur de la PME Mediterranean World Shipping, avec lequel nous sommes revenus sur l'époque où les familles des clans Ben- Ali et consorts était maîtres des lieux, comptant sur la collaboration d'une partie de responsables bien placés qui leur servait de garde fou. « Ils ont des partenaires et des bureaux à l'étranger, en Turquie et en Chine. Lorsqu'un commerçant tunisien ne dispose pas de liquidités nécessaires, les Trabelsi, à travers ces bureaux à l'étranger, leur prêtaient de l'argent nécessaire. Ces commerçants reçoivent par la suite les marchandises commandées même parfois chez eux, contre une importante commission que les Trabelsi reçoivent pour l'ensemble de leur service, y compris le passage des marchandises sans aucune commission ou dédouanement qui devrait aller dans les caisses de l'Etat ». Selon ce professionnel, beaucoup de commerçant avaient choisi d'opérer dans la légalité, mais les pratiques des Trabelsis et la forte influence qu'ils imposaient dans les couloirs de la Douane et des Ports de Tunisie, notamment celui de Radés, les ont poussés, soit à la faillite, en sabotant leurs activités, ou à céder pour pouvoir continuer leurs activités et échapper aux pénalités. Une anecdote nous a cependant été relatée par ce professionnel : « la Douane, et afin de pouvoir espérer contrecarrer le déluge de marchandises provenant de la Chine pour alimenter les marchés parallèles en Tunisie, avait décidé à un moment donné de faire payer les commerçants leur marchandise par kilo.» Concernant cet important terrain, faisant partie du domaine de l'Etat, au cœur du Port de Radés, un terrain qui a été sectionné pour pouvoir abriter des entreprises et des PME ayant des activités annexes dans le secteur des services des métiers marins. Notre interlocuteur témoigne « nous sommes des entreprises composées essentiellement de jeunes, capables de concurrencer les compagnies européennes même sur leur sol. Nous avons eu tout le mérite d'avoir des parties de ces terrains pour y pouvoir évoluer et faire employer des jeunes. Mais ce qui s'était passé, c'était qu'on avait accordé ces terrains là à des entreprises (étrangères ou ayant des participations étrangères) ayant déjà leurs locaux. Pour nous, il y avait cette zone logistique. L'ex-ministre des Transports, nous a demandé d'acheter des terrains dans cette zone, alors que leurs autres entreprises alliées avaient bénéficié de concessions de 99 ans ». Selon Moez Becha « il s'agissait d'une bande qui faisait tout pour partager le gâteau entre eux, et rien d'autre ». Selon lui « il restait quelque 20 mille mètres dans cette zone. Samir Hkimi, DG de l'Office de la Marine Marchande et des Ports (OMMP), qui faisait partie de cette bande nous avait dit qu'une commission était chargée pour assurer le partage de ces terrains entre les acteurs intéressés. Résultat ; seulement 5 opérateurs ont bénéficié de ces 20 mille mètres ». Ladite zone a été occupée et très rapidement des magasins ont été construits, par quelques noms biens connus ! Une usine pour fabrication de stylos y a même vu le jour, alors qu'il s'agit d'une zone portuaire ! Pour ce jeune promoteur, lui et ses collègues n'ont qu'une seule ambition : que tout secteur bénéficie de ses droits pour pouvoir contribuer à l'économie nationale. Pour eux, la fédération de transport maritime relevant de l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat ne les a jamais représentés, mais elle représentait seulement ces personnes qui bénéficiaient du système mis en place « Des personnes ont usé de leur présence dans cette fédération pour faire passer des lois faites sur leurs mesures et qui étaient en parfaite symbiose avec les Trabelsis et l'ex ministre des Transports », nous raconte Moez Becha, selon lequel l'illustration de cette symbiose « c'est qu'il s'agissait d'une fédération dont les membres étaient nommés et loin d'être démocratiquement élus. Ils étaient là pour servir leurs propres intérêts et les intérêts des Trabelsis ». A suivre…. Recueilli par Haykel TLILI * Pour des raisons de déontologie, nous tairons les noms évoqués par l'interviewé et ce, jusqu'à ce que la commission sur la corruption en fasse état.