Nous continuons aujourd'hui avec le témoignage de Moez Becha commissionnaire en douane actif dans le Port de Radés, dans un deuxième et dernier épisode. Il continue de nous relater comment un cercle bien déterminé de personnes a mis la main sur l'activité des différents métiers de transport maritime et de logistique, étouffant au passage des dizaines de commerçants et de professionnels et limitant leurs activités. « Ils ont l'appui de personnes bien placées dans les administrations pour bien mener leurs activités illégales », témoigne ce jeune promoteur qui nous parle de cette loi « de 2008 obligeant tout opérateur à augmenter le capital de son entreprise de 50 mille dinars. Une loi qui vient poser encore plus de fardeau sur des jeunes promoteurs surtout que cette même loi les oblige à signer des contrats d'assurances, et si ces Fret Forwarders, ou Consignataire de navires ne sont pas agréés, ils doivent avoir un capital de 100 mille dinars, tout ceci sans omettre l'obligation de disposer d'un magasin cale et de deux chariots élévateurs, dont le prix de chacun est de 30 mille dinars » !! Autant de conditions pour des jeunes promoteurs n'arrivant même pas à arrondir leur fin de mois. Et ceci ne s'arrête pas là, poursuit Moez Becha « d'autres promoteurs ont obtenu leur agrément, mais ne disposent que de 500 mètre carrés. Ils avaient sensibilisé l'ex-ministre des Transports lors d'une réunion. Ce dernier leur a tout simplement demandé de se débrouiller. Sinon, continue Moez Becha, ce même ex-ministre leur avait proposé de nouer des partenariats avec des entreprises étrangères pour pouvoir bénéficier de quelques autres centaines de mètres ». La période dont parlait ce jeune promoteur était celle où la Tunisie souffrait, comme tous les autres pays du monde, de la crise financière et économique. Une période où on supportait les grandes entreprises tout en écrasant ces Fret Forwarders qui avaient un réel potentiel de croissance sur le marché. « Nous en tant que fret forwarders, nous vendons un service nous permettant d'avoir une plus importante place sur le marché grâce à nos prix et la qualité de nos services. Une entreprise comme Maersk, un armateur de renommée mondiale, mais qui fournit ses services à des frais exorbitants. Une enseigne représentée par des responsables ayant une grande influence sur le marché. Pour préserver la main mise sur les activités dans le Port de Radés et afin de couper la route devant les PME, qui offrent de meilleurs services et à moindres prix, dont notamment ces consignataires de navire, l'astuce a été d'imposer un cahier des charges ! Ces gens là, affirme encore ce jeune promoteur « ne s'intéressent ni au service lui-même, ni aux autres maillons de la chaine et ni à l'économie nationale. Ils ne cherchent que leur propre profit, direct et juteux. Pour nous, et dans le cas où nous réussissons à dénicher du travail, notre seul intérêt devient celui de pouvoir faire sortir les cargos qui sont dans notre charge avant qu'ils ne soient l'objet de sabotage et d'extras frais ». Interrogé sur la Liasse Transport, un mécanisme entré en vigueur depuis janvier 2010, Moez Becha affirme que cette liasse est faite, elle aussi, sur mesure pour bénéficier aux armateurs et eux seuls « la liasse transport est lancée pour profiter aux agences maritimes. Le maillon de la chaine doit comprendre le fournisseur client, le carrier (le transporteur), ensuite le fret forwarder, puis le 3PL (Third Party Logistic) puis le 4PL pour arriver enfin au client final. En Tunisie, il n'existe ni 3PL ni 4PL…. et on veut de plus éliminer le fret forwarder (le consignataire maritime) pour se limiter à une chaine qui ne comprend que le carrier (le transporteur) et le client ! ». Un manque de transparence ainsi qu'un étranglement des forces laborieuses pour le bénéfice d'une poignée de personnes ! • Fret Forwarder sont des spécialistes en logistiques. Leur mission consiste dans la présentation de solutions logistiques pour les armateurs et sont un maillon de liaison entre les carriers et les clients. Propos recueillis par Haykel TLILI