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Le nymphée de Zagouan : le plus beau d'Afrique du Nord
Redécouvertes
Publié dans Le Temps le 03 - 06 - 2007

Il est très vraisemblable que, lors de son voyage en Afrique du nord, considéré comme béni des dieux puisque des pluies bienfaisantes ont mis fin à une longue période de sécheresse, l'empereur romain Hadrien (117-138) a décidé de doter Carthage de thermes grandioses.
De culture grecque, il a embelli Rome et tout l'empire de monuments prestigieux. Carthage, la « deuxième Rome », capitale de l'Afrique, se devait de disposer de thermes qui, comme le capitole, le théâtre et l'amphithéâtre, symbolisaient la « romanité » triomphante. Il était nécessaire de réaliser un approvisionnement régulier en eau par le biais d'un superbe aqueduc - le plus long du monde antique ! - et de disposer d'une source particulièrement abondante captée dans un monument en harmonie avec la magnificence des thermes et de l'aqueduc. Ces trois œuvres reflètent une volonté et peut-être un financement « impérial » : Carthage et la province d'Afrique étaient sans doute incapables de mener à bien des chantiers pareils.
Le nymphée de Zaghouan : le plus beau d'Afrique du Nord
Par Roland et Alix Martin


La restauration du temple des eaux de Zaghouan, sa renaissance, semble découler d'une décision présidentielle énonçant, dans un discours du 28 juillet 2004, un projet intitulé : « La route des Eaux de Zaghouan à Carthage » concernant plusieurs gouvernorats. L'ensemble des réalisations, selon la vision de Monsieur le Président de la République, devait pouvoir aboutir à une procédure de classement sur la liste du Patrimoine Culturel Mondial auprès de l'U.N.E.S.C.O alors qu'une première demande était restée sans suite. Cependant, il demeure certain que des aménagements « modernes » qui ne seraient pas en conformité avec le « code du patrimoine » et qui « agresseraient » le monument, rendraient impossible son inscription sur cette liste. C'est dire à quel point la restauration du temple des eaux et l'aménagement du site doivent être réalisés conformément aux connaissances historiques et scientifiques.

L'écrin
Le nymphée est littéralement « enchâssé » dans un vallon verdoyant d'une montagne qui pourrait avoir été nommée le Mont de Jupiter. Il est aussi enserré par l'histoire de la Tunisie et de la ville de Zaghouan.
La disparition pratiquement complète de tous ses vestiges pourrait laisser croire qu'elle a été pensée en fonction d'une idéologie.
Le nymphée, l'un des plus grands et certainement le plus beau d'Afrique du nord, est sans doute une œuvre impériale de propagande, destinée à prouver, avec les thermes et l'aqueduc, la puissance de la Carthage romaine. C'était aussi un bâtiment certainement consacré à un dieu, ne serait-ce que l'empereur, dieu lui-même : « Augustus », divin.
Kairouan arabe et musulmane, capitale de l'Ifriqiya supplante Carthage byzantine et chrétienne dont le site est abandonné par les conquérants arabes. Les vestiges du nymphée, comme ceux de Carthage, ne devaient-ils pas servir à ériger la nouvelle capitale ?
La ville de Zaghouan, elle-même, est un résumé de l'histoire du pays. A notre avis, à l'origine, dès la préhistoire, c'était un village d'éperon bâti au pied du mont qui lui fournissait bois, eau, gibier et silex. On sait très peu de choses de la lointaine antiquité de la ville parce que la vie qui a toujours recouvert les traces du passé, est primordiale et supplante l'étude systématique des vestiges anciens.
Le nom même de Zaghouan antique n'est pas connu. On a opté pour Ziqua sans preuve indiscutable.
A l'époque punique, une agglomération existait à l'emplacement de la « Médina » actuelle. On y vénérait Baal Hammon, grand dieu phénicien, qui deviendra le Saturne africain romain. A cette époque, la cité connaît un essor certain. Elle était gouvernée par un conseil municipal et elle abritait la résidence d'un administrateur régional. La plus belle réalisation de cette période est, sans conteste, le Temple des eaux. Par sa forme, ses dimensions et son site, il est un des plus beaux exemples de nymphées de l'Empire romain. Après l'occupation vandale, la colonisation byzantine n'a certainement pas bouleversé la vie de Zaghouan. Les conquérants arabes disent avoir trouvé, en 698, une Kalaa berbère. L'absence totale de documents laisse penser que Zaghouan durant les siècles suivants a eu une vie « normale ». « Les gens heureux n'ont pas d'histoire ! » L'invasion hilalienne en 1053, contraint les Zaghouanais à se réfugier dans les villages perchés voisins de Zriba et de Jeradou. L'effondrement des gouverneurs zirides, engendre l'éclosion d'une dynastie locale issue des Banou Riah.
C'est à partir de cette époque que Zaghouan devient « un lieu de retraite pour les musulmans qui veulent s'adonner à la pratique des bonnes œuvres et à la dévotion », écrit El Bekri.
La cité est aussi un refuge pour les Tunisiens : ceux qui fuient les attaques espagnoles du XVIème siècle, comme ceux qui se mettent à l'abri de l'arbitraire beylical. Les Andalous, chassés d'Espagne par les Edits d'expulsion de 1609, vont susciter un nouvel essor économique et intellectuel. La ville a toujours été - et reste encore - un centre intellectuel qui a abrité des professeurs célèbres tels que Sidi Ali Azzouz, un des saints patrons de Tunis, inhumé à Zaghouan dans une zaouïa qui est chef d'œuvre d'architecture et de décoration.
La ville a accueilli aussi une importante communauté de Oueslati bannis de leur massif montagneux à la suite d'une ultime révolte contre le pouvoir beylical en 1763-64.
Les Beys s'étaient installés, ainsi que des ministres et des notables tunisois, à Zaghouan dont ils appréciaient particulièrement l'air pur, la fraîcheur estivale et l'eau. Ils y garderont des attaches jusqu'à la fin du XIXème siècle. La colonisation et la centralisation qu'elle a entraînée a « aspiré » les « élites » vers Tunis et Zaghouan est redevenu un lieu de recueillement, de ressourcement. Cette histoire plusieurs fois millénaires « enchâsse » littéralement le nymphée.
Le joyau : le temple des eaux
Ce monument a toujours suscité un engouement, un intérêt certain en raison de sa beauté.
Une des études les plus complètes qu'on connaisse est celle qui a été réalisée par l'archéologue Friedrich Rakob. Il a longuement œuvré en Tunisie et il l'a publiée dans la revue Africa, éditée en 1971 par l'Institut National d'Archéologie et d'Art, prédécesseur de l'Institut National du Patrimoine actuel.
A notre connaissance, personne, jusqu'à présent, n'a émis la moindre critique à propos du travail de M. Rakob. Les différents historiens et archéologues tunisiens qui se sont succédés depuis plus de trente ans à Zaghouan et qui ont été responsables de l'entretien du monument n'ont jamais remis en question l'étude de M. Rakob. Il écrit dans « Africa » : « Une maquette de la restitution du nymphée de Zaghouan, à l'échelle d'à peu près 1/30è a été effectuée à Rome par M. Di Carlo selon mes relevés ... ». « Les relevés archéologiques du sanctuaire romain construit sur le captage de la source de Zaghouan furent la première étude architecturale de l'Institut allemand d'archéologie de Rome en Tunisie et le début d'une amicale collaboration avec l'Institut National d'Archéologie et d'Art et son Centre de la Recherche Archéologique et Historique ... ». « Je remercie M. Hachemi Sebai, Directeur Général de l'I.N.A.A. et M. Mohamed Fendri, Directeur des Monuments Historiques qui m'avaient autorisé à effectuer des relevés et des sondages à Zaghouan ... ». « Ma gratitude va également à M. M. Fantar, Secrétaire Général du Centre de la Recherche Archéologique qui a bien voulu accueillir mon article préliminaire dans Africa et M. A. Beschaouch, Chef du Département d'Archéologie Classique ... qui a bien voulu relire mon texte ».
Ces cautions scientifiques nous semblent être bien suffisantes pour prouver que les études de M. F. Rakob sont actuellement les meilleures et que la reconstitution du nymphée, réalisée « selon ses relevés » est la plus « crédible ». On ne peut pas « faire » n'importe quoi sur ce monument qui appartient, déjà en fait, au patrimoine mondial.
Son architecture pourrait être inspirée, comme celle du captage postérieur d'Aïn Jougar, du Serapeum de la villa Hadriana en Italie. La villa où serait né l'empereur Hadrien !
« Dès le 1er siècle avant J.C., les monuments sur plan courbé ou bien les colonnades sur plans circulaires étaient caractéristiques surtout des villas et des palais romains ... », écrit M. F. Rakob. Le nymphée a donc été pensé et réalisé comme un monument religieux somptueux. Il a pris la place d'un captage antérieur. Il est fort probable que la plate forme artificielle sur laquelle il est construit a servi à masquer les soubassements de monuments antérieurs qui ont été rasés. Il est très possible qu'il n'ait pas été isolé mais que - en accord avec ce que l'on sait de la civilisation romaine - d'autres bâtiments, en rapport avec l'eau : des thermes par exemple, aient été bâtis à proximité immédiate. Des vestiges laissés à l'air libre au fond de profondes excavations le prouvent.
Les responsables tunisiens du Patrimoine, les plus éminents certainement étant données la singularité du nymphée et l'importance du projet ont décidé de le faire restaurer, à l'instar des « évergètes » de l'Antiquité dont les noms sont passés à la postérité parce qu'ils étaient gravés dans la pierre. Mais les concepteurs du projet ne peuvent manifestement pas, en raison de leurs nombreuses responsabilités, veiller à tous les détails de l'exécution. Les réalisateurs, peut-être par souci d'être « modernes » ou « originaux », peuvent commettre des erreurs d'appréciation. Il nous a semblé que les garde-fous en fer galvanisé qui équipent les escaliers d'accès à l'esplanade du nymphée, dans un souci louable d'éviter une chute accidentelle, pourraient être remplacés par des rambardes de pierres existant à l'époque romaine et identiques à celles qui bordent les autres excavations du site. Les pierres, qui ont servi à construire le nymphée, sont encore là et devraient être utilisées. Au pire, des balustrades en bois plus rustiques seraient davantage en harmonie avec la forêt environnante. D'ailleurs, tous les passages cloutés et les feux rouges ne peuvent empêcher quelqu'un d'être renversé par une auto. Aux bornes lumineuses en aluminium, en forme de missile, on pourrait substituer des « bornes » creuses en pierre qui pourraient être aussi étanches. Quel impératif esthétique exige, à l'avant du bassin de forme originale, l'émergence d'une grosse canalisation hémicylindrique qui dépare le monument comme une trompe verruqueuse ? Le bâtiment n'en comportait pas, à l'époque romaine, de l'avis des savants tunisiens qui ont examiné la reconstitution de M. F. Rakob. Ce morceau de canalisation met en évidence l'existence de l'aqueduc ? Tous les visiteurs savent bien que l'eau allait à Carthage. Que peut enseigner une esplanade dallée que n'abrite aucun arbre et qui sera par conséquent un gril que fuiront les visiteurs durant les nombreux jours ensoleillés ? Quelles réflexions, quelles impressions peut-elle susciter ainsi « associée » au nymphée et à la forêt qui tapisse les versants du Mont de Jupiter ? Ne serait-il pas préférable de fournir aux nombreux voyageurs une information, soutenue par la présence de vestiges mis à jour, sur les bâtiments qui entouraient le nymphée, sur le mode de vie et la civilisation romaine ?
Interdire aux véhicules de stationner à proximité immédiate du nymphée est une décision remarquable. Mais il faudra veiller à ne pas entraver la circulation vers l'écomusée et le Parc National. La présence d'un débit de boisson est nécessaire. Il est souhaitable que des boutiques basses et coquettes s'installent le long des aires de stationnement et proposent des produits régionaux ainsi que des documents et des « souvenirs ».
Dans le cadre général de la politique de tourisme culturel, prônée par Monsieur le Président de la République, et compte tenu de l'objectif final de la restauration de la « Route de l'eau », qu'il a défini, il nous paraît souhaitable que certaines divergences soient réexaminées afin que les efforts remarquables de restauration du monument et d'aménagement du site n'en souffrent pas. Une blessure ou un petit « bouton » sur une joue empêche sûrement d'apprécier la perfection de l'ovale du visage et la douceur du regard !


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