La révolution tunisienne a eu deux piliers qui l'ont portée dès le jour de son éclosion, jusqu'à son achèvement, puisque la révolution (et ce qu'elle a apporté) est arrivée à sa fin. Ces deux piliers sont: le petit peuple, en majorité des jeunes des régions défavorisées de la Tunisie, qui sont celles du centre-ouest, une partie du sud, et une autre du nord-ouest. Ces régions ont été méprisées par le premier président tunisien, à savoir Bourguiba, et la machine qu'il a élaborée pour asseoir son pouvoir absolu. A savoir le parti destourien, et les forces de police et de gendarmerie. Puis, par son successeur Ben Ali, qui renforça encore plus pernicieusement le pouvoir policier, tout en essayant de réduire l'influence de ce même parti. Et, qui dût se rendre compte trop vite, que la machine du parti était trop solide pour être si facilement démantelée. Il dût donc, la pervertir en changeant son nom en Rassemblement Constitutionnel Démocratique, et en lui donnant une option et des objectifs purement mafieux. Ce n'est pas une légende, mais le peuple tunisien a réellement horreur de la violence. Et il a toujours cherché, depuis ses déboires avec les troupes romaines, et la destruction de Carthage, et puis toutes les périodes où des conquérants, venus du nord ou de l'est, qui ont tenté de l'asservir, à trouver une solution, sinon pacifique, du moins diplomatique, aux problèmes que l'Histoire lui imposait. Cela n'empêche pas qu'il demeure un peuple de résistants et de conquérants, quand la situation l'obligeait à agir comme tel. L'Ifriqiya (c'est ainsi qu'on appelait la Tunisie d'aujourd'hui, et qui donnera son nom à toute l'Afrique), est aussi la terre de Hannibal, de Massinissa, qui s'opposèrent aux Romains, et de la Kahéna qui combattait les conquérants de l'Islam. Mais c'est surtout - et cela très peu de gens le savent- la terre qui a vu éclore la première révolte des esclaves sous la conduite de Spartacus. L'acte de Bouazizi, ce jeune homme qui s'est immolé par le feu, et qui est devenu l'emblème de cette révolution, et de tout ce qu'elle a éveillé comme nécessité de révolte chez les peuples arabes oppressés par les mêmes dictatures, est unique en son genre. En ce sens que ce n'est pas un acte de terroriste, puisqu'il n'implique pas la mort d'autres personnes, mais uniquement la sienne. C'est une première, non seulement dans l'histoire des peuples arabes, mais dans celle de l'humanité: " je mets fin à ma vie parce que je ne peux plus supporter le poids d'une oppression contre laquelle je suis dans l'incapacité de me battre, alors je dis au despote ou au tyran qui me méprise: je méprise moi aussi cette vie sur laquelle tu as droit de vie et de mort ". Cet acte a déclenché le soulèvement populaire qui a mis fin au règne de l'un des dictateurs le plus sauvage et le plus inculte que la Tunisie ait jamais connu. Le deuxième pilier de cette révolution, ce sont les internautes (généralement des jeunes), qui, depuis longtemps défient le pouvoir du tyran. Il va sans dire que depuis les années cinquante, date du départ du colonialisme français, des mouvements ou des individus se sont opposés au règne néfaste des deux dictateurs que sont Bourguiba et Ben Ali. Après le départ de ce dernier, les langues se sont déliées dans tous les secteurs de la vie sociale. Des politiciens, des technocrates, des artistes, ont pris position avec la révolution, mais dans leur grande majorité, ils étaient inféodés au pouvoir de Ben Ali. Et ils essaient aujourd'hui de se reconstruire une autre respectabilité. On ne peut les blâmer d'avoir joui, à des niveaux différents, de la manne de ce tyran, mais on peut les blâmer parce qu'ils n'ont pas la décence de se taire aujourd'hui. La révolution est donc achevée aujourd'hui, mais ses acquis ne sont pas encore préservés, contre la perfidie et les ruses des contre-révolutionnaires de toute la mafia qui a fait fortune pendant les deux dernières décennies, et des intégristes en tout genre, qui pensent que la Tunisie est d'ores et déjà un fruit mûr, qui va tomber par terre, et qu'ils n'auront plus qu'à ramasser. Ce danger est réel. Et le vrai combat commence aujourd'hui. Ce combat doit être mené par tous les Tunisiens, avec l'aide et le soutien de tous les pays amis. Et, il ne peut aboutir, sans une révolution artistique et non seulement culturelle,