L'ébullition que connaît le paysage médiatique après la chute de Ben Ali et de son oligarchie est on ne peut plus normale. De même, l'inflation des débats politiques diffusés en direct sur les plateaux des télévisions locales est somme toute compréhensible quand on sait le sevrage imposé aux Tunisiens en matière d'information pendant des décennies entières. Ce qui est moins compréhensible, par contre, c'est la distribution inéquitable d'antenne et de parole pratiquée par ces mêmes chaînes et dont bénéficient des régions, des mouvances et des personnes particulières apparemment ciblées, y compris parmi les adeptes de l'opportunisme et de l'impudique volte-face. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder le défilé de ces mêmes journalistes qui, pendant la même émission, se transforment, tour à tour, tantôt en sociologues tantôt en analystes politiques, tantôt encore en liseurs patentés d'avenirs. Il y a encore à voir cette volonté, devenue flagrante, de solliciter par téléphone les mêmes personnes prétendument éclairées pour interagir avec les invités du plateau. Il y a, enfin, à se remémorer toutes les apparitions télévisées des mêmes membres du gouvernement provisoire pour s'apitoyer sur le sort des mêmes régions et substituer au régionalisme de l'ancien régime une autre forme de discrimination injustement positive. A en croire le ministre du développement local, en effet, la Tunisie martyre et déshéritée se limiterait aux seuls gouvernorats devenus pour lui une obsession : Sidi Bouzid, Gafsa et Kasserine. Autant l'on pourrait comprendre le souci du ministre de privilégier les régions les plus meurtries par la terreur qui a accompagné la révolution, autant il serait injuste d'exclure de ce plan d'urgence d'autres contrées du sud-est et du nord-ouest au statut séculaire de laissées-pour-compte et qui autant sous Bourguiba que sous Ben Ali, n'ont eut droit qu'à des miettes de développement en contrepartie du pillage de leurs ressources naturelles et de la marginalisation de leurs potentialités humaines. Osons espérer pour conclure, qu'un recadrage sera apporté à la fois par la médiatisation et le développement et qui permettra à tous les Tunisiens de se reconnaître dans la Révolution et évitera que certaines frustrations ne se transforment en forces de réaction.