L'aviculture est une activité économique à caractère social prononcé. Après la crise consécutive aux rumeurs de grippe aviaire, comment est - ce que ce secteur s'est - il repris ? A - t - il épongé ses dettes ? Au niveau de la profession, comment se prépare - t - on à la saison estivale et au mois de Ramadan ? Les prix actuellement pratiqués reflètent - ils les coûts réels ? La Tunisie est le seul pays après le Canada où la production avicole se fait de façon programmée. « Depuis 1988, au mois de Juin de chaque année, la production de l'année suivante est programmée par la Commission de programmation. En cas de changements d'autres réunions suivent », déclare au Temps, M. Chakib Triki Secrétaire Général de la Fédération Nationale des aviculteurs et président du Groupement Interprofessionnel d'Aviculture et de Cuniculture ( G.I.P.A.C ). Pour comprendre la situation actuelle du marché, il faut revenir à 2005. En 2005, a été programmée la production d'un milliard 411 millions d'œufs et 9 mille tonnes de viande blanche de poulet. « La surproduction n'a pu être supportée par le marché. Les prix à la production ont chuté au dernier trimestre de l'année 2005. Avec la rumeur de la Grippe aviaire, le secteur s'est trouvé dans une situation terrible » affirme M. Chakib Triki. A la fin de 2005 et au début de 2006, la chute de la consommation a atteint la proportion de 90%. Un surplus de production ajouté à une chute de la consommation et voilà que le secteur est devenu sinistré. Et, pourtant, c'est un secteur qui joue un rôle économique et social de première importance. Le poulet, ou les poules, ne démordent pas...
Une ardoise de 30 milliards Des instructions présidentielles ont été données pour soutenir les éleveurs. En Février 2006, un Conseil ministériel a décidé que le Groupement achète toute la surproduction en viande et en œufs. Pour la première fois, un stock de 5170 tonnes de viande de poulets et de cent millions d'œufs de consommation a été réalisé. Parallèlement, la commission de planification s'est réunie et a décidé de baisser la production. Dans une situation normale la consommation de viande de poulet varie entre sept mille et sept mille cinq cents tonnes par mois. En avril 2006, la production est tombée à 2020 tonnes. A combien s'élève la perte du secteur ? « L'ardoise supportée par tout le secteur s'élève à environ 30 milliards et ce, malgré les mesures prises par le Gouvernement, sans lesquelles la perte aurait été beaucoup plus grande et le secteur aurait disparu », déclare non sans peine le patron des aviculteurs. Depuis avril 2006, l'adaptation du niveau de la production à celui de la consommation s'est poursuivie. En décembre 2006, la production a atteint le niveau de 7300 tonnes. Comme c'est une période qui coïncidait avec celle de l'Aïd El Kébir, les prix ont chuté. Le Groupement a été obligé d'acheter du poulet de chair. « Nous avons maintenant 1200 tonnes de poulet de chair congelée pour faire face aux besoins » affirme M. Chakib Triki. Durant les mois de février, mars, avril et mai 2007, une baisse de la production a été constatée. Elle est consécutive à la baisse de l'importation de poulets reproducteurs. C'est la conséquence de la propagation de la grippe aviaire en Europe. En avril, le niveau de la production était de 6500 tonnes pour des besoins de l'ordre de 7000 tonnes.
Des prix bas Le cycle de la production des poulets reproducteurs a été prolongé. Deux millions d'œufs à couver ( OAC) pour le poulet de chair ont été importés. Ils génèreront 1500 tonnes de viandes supplémentaires. Il faut les ajouter aux 1200 tonnes stockées et congelées. Avec l'amélioration attendue de la production, il n y aura pas de problèmes d'offre. Le niveau de la production attendue est de 7107 tonnes en juin, 7700 en juillet, 8080 en août, 8230 en septembre ( le mois de Ramadan ), 7700 en octobre, 7500 en novembre et 7500 en décembre. Encore une fois la Fédération nationale des aviculteurs prévoit une chute des prix à cause de l'Aïd El Idha. Il faut intervenir dès maintenant pour trouver une solution pour les mois de novembre et décembre. Les prix pratiqués correspondent - ils aux coûts supportés par les aviculteurs ? Depuis le mois d'août 2006, les prix des aliments importés qui représentent 70% des coûts ne cessent d'augmenter. Le maïs est une source de méthanol. C'est ce qui explique l'augmentation de son prix. Le coût pour la viande de poulet était de 1400 et est passé à 1730 millimes. Le coût de l'œuf est passé de 80 millimes à 92 millimes. « Nous vendons l'œuf au dessous de son prix de revient », rappelle M. Chakib Triki qui ajoute : « le consommateur doit comprendre les aviculteurs et les soutenir ». Il évoque l'exemple du Maroc. Lorsque les prix des aliments ont augmenté, les droits de douanes et la TVA, sur le maïs et le soja ont été éliminés. La viande de poulet y est vendue à 6,200 dinars, le kilogramme. « Les prix les plus bas en Méditerranée sont pratiqués en Tunisie », poursuit notre interlocuteur. C'est la conséquence de la pression sur les prix du ministère du commerce et de la bonne productivité du secteur.
Eliminer les droits de douane La profession demande depuis le mois d'août 2006, l'élimination des droits de douane pour le soja ( 17%) et de la TVA (6%) pour le maïs ou du moins, leur baisse. Le patron du GIPAC considère que l'homologation du prix à 3,600 dinars le kg est un obstacle à la réalisation du contrat de production. Pour les œufs, la profession est appelée à constituer un stock stratégique de 80 millions d'unités pour le mois de Ramadan. Le niveau actuel est de 50 millions. Les 80 millions seront atteints à la fin du mois de juillet. Un autre problème se pose : comment commercialiser le « poulet réformé » ? Le cahier des charges interdit la vente de poulet vif. Les abattoirs n'acceptent pas les poules pondeuses réformées. Il est possible qu'une surproduction se reproduise. Une solution radicale est à trouver pour ce problème. A - t - on besoin d'importer du poulet ? La profession est contre toute importation qui dépasse les 250 tonnes de viande congelées puisqu'il y a eu importation d'OAC. Après les différentes crises connues par ce secteur, il est temps qu'il récupère ses pertes.