Par Khaled GUEZMIR - Chassez la politique, elle revient au galop ! On a beau louer les vertus de la technocratie apaisée face aux bouillements de la politique, rien n'y fait la politique demeure une exigence essentielle de la vie sociale. On regrettera beaucoup M. Mohamed Ghannouchi pour son savoir faire économique et son support international, mais ses onze ans sous la coupe d'un dictateur qui ne voulait rien partager, ne lui ont pas permis l'apprentissage qu'il faut de la politique politicienne. M. Ghannouchi véritable gentleman honnête et compétent aurait eu besoin d'un soupçon de « roublardise » machiavélique, pour promettre quelques « lunes » aux jeunes déchaînés à la Kasbah et manipulés certainement par des politiciens aguerris par les luttes et les répressions de Ben Ali et qui veulent aujourd'hui leur place au soleil. L'ancien Premier ministre n'a pas été heureux dans ses choix au niveau de la communication. Il fallait opter pour une « communication de crise » portée par des jeunes loups en la matière et qui font la une des blogs et des médias électroniques. Son porte-parole du gouvernement, professeur universitaire et ancien haut cadre syndical, ne pouvait cumuler les tâches. Il avait déjà suffisamment à faire à l'Education nationale pour ramener les « mômes » à l'école, alors qu'il fallait s'adresser quotidiennement au peuple pour expliquer… orienter… apaiser et donner de l'espoir pour remettre la machine en marche et calmer les ardeurs révolutionnaires qui sont au bord de la dérive. Que peut faire un Premier ministre de transition et quelles sont les priorités. M. Ghannouchi a opté pour la relance économique, mais la fermentation révolutionnaire voulait la politique et les réformes institutionnelles de toute urgence pour engager la construction du système démocratique et rompre avec le passé totalitaire. La haute commission des réformes politiques, elle aussi trop technocratique, a pris son temps… un peu trop de temps et n'a pas tenu compte de l'urgence et des exigences du moment. Pourtant il aurait fallu annoncer la mise en marche d'une assemblée ou d'un conseil constitutionnel et la participation de toutes les sensibilités politiques majeures dont l'UGTT, Ennahdha et la gauche pour préparer la nouvelle constitution et les élections du Président de la République et du Parlement. Finalement la « ruse » aurait été de ne pas en faire comme le disait l'Empereur Omeyade « Mouaawiya » et d'occuper tout ce beau monde par « la politique » au lieu de les laisser investir et occuper la rue. L'arrivée de M. Béji Caïd Essebsi à la Kasbah avec toute son expérience politicienne de grande envergure peut être une chance pour apaiser tout le monde. L'étape nécessite une grande dose de responsabilité et de discipline collective de l'UGTT, d'Ennahdha et des courants marxistes pour mener leurs revendications, sans pousser le pays à la dérive, à l'insécurité et à la révolte permanente. Le pouvoir de son côté se doit de prendre le taureau par les cornes et donner la priorité à la construction du futur système politique démocratique. Il est grand temps de faire triompher la raison et le bon sens, par le dialogue et le compromis. Les plus belles révolutions ne sont pas celles qui durent éternellement mais qui aboutissent au moindre coût, à une dynamique de la réforme pour atteindre les objectifs. Les jeunes doivent faire très attention. Leur révolution est en danger ! La démocratie ne peut se construire que par la paix sociale et la sécurité. Les rues embrasées et enflammées ne peuvent mener qu'à une nouvelle dictature et cette fois-ci on l'aura tous méritée !