En cette période d'élan démocratique, sans précédent, les débats fleurissent en Tunisie. C'est normal, et c'est le legs de la Révolution au peuple tunisien. C'est une brise de liberté que les Tunisiens respirent à pleins poumons. Mais si débattre de tous les sujets est un signe de « bonne santé » politique, une certaine prudence devrait être observée. Car il y a des sujets, aujourd'hui, qui occupent beaucoup l'espace médiatique sans être réellement à même de contribuer à réaliser les objectifs de la justice sociale et de la démocratie, les principales revendications de la glorieuse Révolution tunisienne. C'est le cas de la question de l'identité de la Tunisie. Ce sujet s'apparente à une « boîte de pandore » qu'on est en train d'ouvrir sans réellement en mesurer les conséquences. L'identité d'un peuple est constituée par le cumul historique de faits politiques et culturels et pour la Tunisie, l'histoire a fait que son identité ne saurait être autre chose qu'arabo-musulmane. C'est un fait et les « faits sont têtus » comme disait Lénine. Mais, cette identité s'est forgée tout au long d'un processus d'ouverture sur toutes les cultures et sur tous les courants de pensée. Elle s'est, également, adaptée au contexte social tunisien. C'est la spécificité tunisienne, et c'est aussi la spécificité de ce pays qui a su toujours être au diapason de la modernité sans rompre avec ses racines culturelles. Si notre pays a disposé toujours d'une élite religieuse éclairée grâce, notamment à la Zeïtouna, c'est aussi le pays qui a donné au monde arabo-musulman des leaders de l'« Islah » et des mouvements progressistes de tous bords. La diversité au niveau des partis et la vivacité de la société civile sont, aujourd'hui, une illustration de cette particularité tunisienne. Tout cela permet d'affirmer que le débat autour de l'identité est quelque part superflu, voire peu productif en ce moment de « turbulences » politiques que traverse la Tunisie. En 1959, les constitutionnalistes ont compris l'acuité de ce sujet et ont pu, après un débat approfondi, l'encadrer à travers la formulation subtile de l'article 1 de la Constitution. D'ailleurs, la majorité des acteurs politiques, aujourd'hui, de gauche comme de droite, ont affirmé leur approbation quant à cette formule. C'est parce que tout le monde y trouve « son compte » et c'est aussi, et surtout, un acquis à préserver.