Par Khaled GUEZMIR - En politique comme dans toutes les activités humaines majeures il y a l'essentiel et il y a le superflu ! Commençons par le superflu. C'est ce «bavardage » de la politique politicienne pour tourner autour du pot, faire passer les pilules du mensonge, des contrevérités, en un mot, la propagande, pour justifier «l'essentiel» qui est le système et le mode de gouvernement, le soubassement idéologique et les mécanismes de contrôle de la société par le pouvoir ascendant. Mahmoud Messaâdi, notre philosophe de l'existentialisme appelait cela « Tachouich Al Hayet » (le grenouillage de la vie) dans sa pièce « Assud » (Le barrage). Les politistes appellent cela la technologie para-politique, de l'encadrement social. Essayons de sonder le discours de certains leaders de partis ascendants, qui aspirent au contrôle total… et totalitaire de la société après la Révolution. Ils commencent par nous parler du «grave» «danger » qui guette l'identité arabo-musulmane en Tunisie et qu'on surnomme «Al Imania », je traduirai par «rationalisme». Ceci est la première étape… La prochaine sera la mise au banc de la société, cette fois-ci comme « mécréants » de tous ceux qui appellent à « rationaliser » la religion ou à la séparer du pouvoir et de l'enjeu politique. L'Histoire, quant à elle, vient nous dire toute autre chose : l'identité arabo-musulmane n'a été réellement en danger que pendant les années 30 avec le congrès eucharistique de Carthage, où la colonisation étrangère a célébré en grande pompe le 50ème anniversaire du protectorat français en Tunisie. Depuis et la constitution de 1959 en fait foi, la question a été tranchée définitivement. La Tunisie est un pays indépendant… sa langue est l'arabe et sa religion est l'Islam. Simple clair et précis, la Tunisie est pour l'éternité un pays musulman et arabe et son identité culturelle ne souffre d'aucun amalgame. J'en viens maintenant à l'essentiel. Ces mêmes leaders qui font la Une des journaux et qui s'attaquent au « rationalisme » veulent, de fait, imposer à notre pays et à notre peuple et ses élites modérées et ouvertes aux discours universels, un nouveau type de société cette fois pas seulement « musulman » mais « islamiste » ! Wa hadha beïtou Al Kassid (et c'est cela le véritable objectif) dirait le poète ! Et c'est là le véritable enjeu de la prochaine constituante ! Va-t-elle préserver la culture musulmane modérée tolérante, et donc « rationalisée » et qui est majoritaire dans le corps social de notre pays. Ou va-t-elle opérer un changement radical vers un autre type de culture « islamiste » à l'iranienne ou talibane d'essence hégémoniste et qui annonce bien des cassures dans notre culture et civilisation millénaires. Le rationalisme musulman a toujours été l'essentiel dans notre culture alors que « l'islamisme » a été l'exception et le superflu qui a été à l'origine de toutes les dérives et « fitens » qui ont accumulé tous les retards de notre espace arabo-musulman par rapport à l'Occident hier et aujourd'hui, et à la Chine, demain. L'Occident et la Chine séparent la politique de la religion. C'est eux les maîtres du monde aujourd'hui, et encore pour bien longtemps, alors que notre espace se perd dans des débats d'un autre âge entre les sources de l'Islam et ses interprétations interminables. Pour ma part je veux revenir à ce que je considère comme l'essentiel dans une révolution qui a fait date et qui a inspiré l'Occident et construit sa puissance politique, morale et matérielle : la Révolution française de 1789. Dans sa déclaration des droits de l'Homme et du citoyen elle énonce dès les premiers articles ceci : « Les droits naturels de l'Homme sont : la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression». Quant à la religion, cette même déclaration donne la liberté absolue du culte et n'impose à personne la religion chrétienne pourtant majoritaire en France et en Europe à l'époque. Est-ce pour cela que la France, l'Europe ou l'Amérique sont moins « chrétiennes » aujourd'hui ! Eh bien, non ! Mais le christianisme occidental a été « rationalisé » de façon à mettre fin à la guerre interminable des religions qui a ensanglanté l'Europe pendant des siècles. Demandez à Henry IV qui l'a assassiné ! Les révolutions tunisiennes et arabes récentes n'ont jamais été d'essence « religieuse » mais d'essence humaniste et universaliste qui aspirent à la liberté et à la dignité et qui s'apparente à la raison et au rationalisme celui là même qui préserve l'identité arabo-musulmane. Les manifestants de Tunisie, d'Egypte, de Libye et de Syrie, revendiquent non pas des Etats « islamistes » mais des Etats démocratiques à l'occidentale avec la séparation des pouvoirs, la liberté de presse et d'opinion et surtout barrer la route à toute forme de nouvelle dictature totalitaire et d'absolutisme civil ou religieux. Je vois d'ici, le cheikh libéral Abdelfattah Mourou me faire un clin d'œil bien complice ! Mais trêve de plaisanterie ! J'aime bien l'élégance et la finesse d'esprit qui, d'ailleurs, n'écarte pas la ruse, de ce cheikh bien sympathique ! Il a le sens de l'humour et ne se prend surtout pas pour un prophète ! En somme, un bon musulman bien « tunisien » libéral modéré et bien dans sa peau ! une véritable synthèse entre Sadiki et la Zitouna ! Celui-là au moins ne risque pas de jeter Voltaire en prison ni Descartes ni encore moins l'Imam Al Ghazali ou Fadhel Ben Achour ! Du moins, je l'espère ! Attendons pour voir ! K.G daassi [email protected] amad salem [email protected] sihem [email protected] sihem [email protected]