On ne sait pas pourquoi, un livre s'impose ; et pas un autre. L'air du temps ? Une certaine morosité, doublée d'une anxiété certaine, qui est comme une retombée d'adrénaline après une grande euphorie ? Toujours est-il qu'on a souvent besoin de convoquer, dans l'urgence, le souvenir d'un livre pour pouvoir mettre des mots sur quelques impressions indéfinissables, qui ressemblent fortement à un malaise, dont on perçoit qu'il aurait comme à voir, avec une remise en question, en profondeur, d'une situation donnée, à un moment de l'histoire où l'équivoque s'installe, comme chez lui, des charentaises aux pieds, tandis que les cœurs battent la chamade, en attendant que les choses se décantent. Mais que vient faire, là-dedans, le livre de Claire Etcherelli : « Elise ou la vraie vie », lors même qu'il s'inscrit dans une toute autre révolte, porteur d'un souffle qui est celui des indépendances, blessé et inquiet, désarçonné et amer, et n'ayant, à priori, rien à voir avec ce que nous vivons aujourd'hui, sous nos latitudes, avec cette somme d'espoirs neufs, que la révolution a drainé dans son sillage, et que nul n'a le droit de trafiquer, d'en détourner le sens, ou de s'en emparer pour les faire avorter ? Il se trouve qu'il existe toujours des résonances, inexpliquées, qui font qu'un livre s'impose, quel qu'il soit, et pas un autre, à un moment crucial de l'existence, où à force de nager en pleine semoule, l'on perd pied. C'est ainsi. Comme ces phrases « assassines », qui vous marquent l'esprit comme au fer rouge, alors qu'elles sont coincés entre deux paragraphes, petites et de prime-abord, insignifiantes, avant de rejaillir, avec une lumière aveuglante, d'un coup, en vous imprimant une secousse fulgurante, pour vous ouvrir les yeux sur quelque chose d'essentiel. De vital. « Elise ou la vraie vie » une lecture vitale ? La grande littérature c'est aussi celle qui sait vous parler, à mains nues. Ecorchée- vive qui se pare de pudeur, pour vous raconter, mine de rien, l'état du monde, la fragilité des êtres, leurs combat meurtris ou meurtriers, leurs lâchetés quotidiennes, leur courage, leurs démissions comme leurs admirables revanches. Mais il faut de tout pour faire un monde. Le nôtre fait parfois piètre figure…