Par Hechmi GHACHEM - J'allais zappant – zappant quand je fus intrigué par la présence sur Hannibal d'un prêcheur à la longueur de barbe hautement respectueuse et qui citait ses paroles dont voici un petit extrait, tout en nous recommandant de les graver en lettre d'or : « S'ils te demandent quel est ton cheikh, dis le Prophète est mon cheikh. Et s'il te demandant quelle est ta maison, dis la mosquée est ma maison… » Jusque-là rien d'extraordinaire à part, peut-être, le fait que ceux parmi les actuels chefs confessionnels qui s'érigent en cheikh doivent revoir à la baisse le titre dont ils se sont doté puisque le seul cheikh est le prophète. Mais ce n'est là qu'un probable prétexte à une éventuelle polémique minime. Non le plus grave, le plus drôle et le plus dangereux vient après, dans la façon imperceptible dont le prêcheur de Hannibal va glisser les quelques mots dans les paroles normalement immuables et intouchables qu'il nous conseillait au début de graver en lettres d'or tellement elles sont importantes. Voici le topo ! Le prêcheur en venant à parler de la mosquée comme maison, fit un écart qu'il voulait imperceptible mais qui – hélas pour lui trahissait une volonté, d'ores et déjà, éventée qui est celle d'interdire toute approche culturelle ou artistique de la vie parce que cela est contraire à notre religion. Je me demande où ils vont chercher une telle interprétation. Enfin, passons ! Le voilà, donc, qui insiste : « vous m'avez bien entendu. Le texte dit bien : La mosquée est ma maison et non la maison de la culture », que vient faire la maison de la culture là dedans ? Ces paroles ont été émises au tout début de l'ère musulmane et, à notre humble connaissance, ni les maisons de la culture ni les salles de cinéma n'existaient en ces temps-là. Et puis quel droit nous permet – il d'opposer les maisons de la culture et les lieux du culte ? Comment croire que de telles têtes fermées à toute expression humaine peuvent-elles respecter demain la démocratie ou n'importe quel pacte social ? De quel droit ou avec quelle insouciance ou méconnaissance du danger que peuvent représenter de tels prêcheurs, Hannibal se permet –elle en tant que chaîne télévisuelle tunisienne de nous passer un tel magma de sous-développement intellectuel ? C'est très dangereux de diaboliser la culture, à travers ses institutions, en les opposant aux lieux du culte. Ces barbus qui tombent à poil continuent d'une manière plus radicale et destructrice le travail de sape et d'asservissement entamé par les deux ex-dictateurs nationaux et pensant être maîtres du jeu – ils n'hésitent pas à dévoiler leurs cartes : « Nous ferons de toutes les maisons de la culture des lieux de culte après les avoir purifiées par le feu et nous égorgerons tous ces mécréants d'artistes et d'intellectuels.