La pièce de théâtre « Alzheimer ou Mémoire en retraite » du Théâtre National a été présentée les 14, 15 et 16 avril courant à la salle du 4è Art à Tunis devant un public, hélas assez restreint. Mais cela n'a en rien influé négativement sur la performance des comédiens qui avaient excellé dans leurs rôles respectifs. La pièce est écrite et mise en scène par Mariem Bousselmi et réunit les comédiens Slah Msadek et Kabil Essayari. La scénographie revient à Mohamed Driss et le décor est réalisé par Moncef Ben Hamouda et Ferjani Dridi. C'est la production la plus récente du Théâtre National. La pièce raconte les tourments d'un fils (un poète) auprès d'un père (avocat) ayant la maladie d'Alzheimer. Le fils est tellement préoccupé de l'état de mémoire de son père qui se détériore chaque jour davantage, contraint à l'accompagner jusqu'à son dernier souffle. Le voici qui lutte contre l'idée d'être atteint à son tour de cette maladie et finit par créer un personnage fictif jouant inconsciemment le rôle du père qui perd progressivement ses facultés mentales… La pièce n'est pas une description de la maladie d'Alzheimer ni de ses séquelles sur le patient, ce n'est qu'un simple support, quoique les comédiens aient formidablement traduit en paroles et en gestes les comportements de la personne atteinte de cette maladie. Mais le message semble plus profond : c'est le vacillement entre l'oubli et la mémoire. La perte de mémoire, qui mène le père jusqu'à confondre entre les choses, les êtres et les mots, est contrebalancé par les souvenirs que le fils essaie en vain de rappeler à son père qui a en fait tout oublié. « Méfie-toi de la parole, même l'ordinateur parle », voilà ce que tu me chantais à l'oreille tous les jours papa, et maintenant tu ne t'en souviens plus. Tu ne sais même plus dire une phrase correcte ni nommer les choses ni s'exprimer », peut-on lire dans le synopsis de la pièce. De cette dichotomie entre l'oubli et la mémoire naît ce conflit des générations autour du spirituel et du matériel, de l'imaginaire et du réel. Au niveau des prestations des artistes, on peut dire que Slah Msadek a pu convaincre dans le rôle d'un avocat toujours avide d'argent et dont le seul souci dans la vie est d'en gagner davantage. Kabil Essayari a également réussi son rôle du fils qui se plaisait dans la poésie malgré la désapprobation du père. Les deux comédiens ont témoigné d'un grand talent et d'une maîtrise émérite de leur art. N'empêche qu'il y a, à certains moments, une certaine lourdeur au niveau du texte et du jeu. Sur le plan technique, une bonne appréciation est accordée à l'équipe chargée des effets sonores, des costumes et des lumières.