Le poste frontière de Dhiba-Wazen est sous les feux de l'actualité, parvenant ces derniers jours à prendre le devant sur l'autre point de passage de Ras Jdir. Il connaît une affluence massive de familles libyennes fuyant précipitamment leur pays, convaincues qu'elles ont tout à perdre en y restant, leur honneur et leur vie, une fois soumises à la vindicte haineuse des milices loyalistes agissant à la solde de Kadhafi et qui ne sont que pour sévir sans scrupules à l'encontre tant de ceux qui ne se sont pas alliés à sa cause, que de leurs proches et de leurs biens. Depuis que le conflit a changé de camp, prenant en mire les régions montagneuses de l'ouest libyen au niveau de Jabal Nefoussa, ce poste frontalier, contrôlé tantôt par les uns, tantôt par les autres, stratégique pour l'approvisionnement en denrées alimentaires, médicaments et carburant, est le théâtre d'un interminable flux humain dont l'ampleur et la fréquence varient selon l'évolution des combats opposant les deux parties en conflit, les milices et les insurgés. Il va sans dire que depuis que ces derniers avaient pris le contrôle du point de passage de Wazen, parvenant dès lors à sécuriser la voie routière pour des milliers de familles de la région occidentale résidant à Nalout, à Yefren, à Kabaou, à Jadou, à Zenten, etc…, des milliers de véhicules de tous genres, transportant des familles entières et pleinement chargés de bagages de première nécessité, des matelas, des couvertures,..traversent quotidiennement les frontières. Le flux a atteint son apogée samedi dernier 30 mai, moins de 48 heures après la tentative avortée des milices de reprendre le contrôle du point de passage et tous les incidents graves qui s'en sont suivis, dont précisément les incursions des belligérants en territoire national qui a nécessité un déploiement massif, visiblement remarquable, de l'armée nationale aux alentours. La reprise du contrôle du poste de transit par les insurgés n'était que pour les inciter à en profiter, car la situation pourrait basculer à tout moment au profit des milices. Flux Face à cet afflux de réfugiés dont le nombre global s'élèverait à 25 000 ayant officiellement traversé la frontière à Dehiba depuis la première semaine du mois d'avril, dont 12 à 15 000 se trouvent à Tatahouine et ses environs immédiats, 1.500 dans le camp de Dehiba mis en place par les Emirats Arabes Unis et géré par le Croissant-Rouge Tunisien (CRT), 1000 dans le camp de Remada mis en place par le Haut Comité des Nations Unies pour les Réfugiés (l'UNHCR), la population et la société civile s'organisent, comme elles peuvent, en fonction des moyens, à accueillir et à héberger ces milliers de familles, composées essentiellement de femmes et d'enfants, dont beaucoup sont dans un besoin d'assistance psychiatrique en raison des graves préjudices traumatiques endurés. Les centres de jeunesse sont bondés, la salle couverte de Tatahouine vient d'être affectée à cet effet, toutes les maisons inhabitées des particuliers ont été mises à la disposition pour abriter des réfugiés, et les familles de la région ont ouvert leurs portes à leurs «frères libyens» pour tout partager avec eux. Les autres villes voisines de la région du sud-est sont, à leur tour, impliquées dans la gestion de cette grave crise humanitaire, accueillant des milliers d'autres familles libyennes. A Djerba, à titre d'exemple, comme ailleurs à Médenine ou à Zarzis, des centaines de familles, formant presque un contingent de 4000 personnes, séjournent dans l'île, réparties à travers tout son territoire, et hébergées auprès des familles ou dans des maisons qui leur sont consacrées. Un comité de gestion de la crise et de coordination a été même mis en place, constitué de réfugiés connus pour leur activisme politique anti-kadhafi, étant arrivés en territoire tunisien par barques à partir du port de Zouara pour ne pas être repérés par les milices. Ils s'activent à encadrer leurs compatriotes, en les pourvoyant de gîte, nourriture, et assistance sanitaire en cas de besoin, en coordination avec la partie locale. Appel pressant à l'action Le nombre de réfugiés ne fait qu'augmenter ; des appels sont lancés avec insistance, sollicitant aide et soutien aux réfugiés. Plusieurs caravanes de solidarité provenant de plusieurs régions du pays sont déjà arrivées à Tatahouine, à Remada et au camp de Dehiba, apportant denrées alimentaires, médicaments, équipement médical et autres produits pour enfants et bébés. Un convoi humanitaire irlandais parti de Dublin, comprenant deux ambulances et chargé de médicaments et d'appareils médicaux de la valeur de 450 000 euros, selon les dires d'un responsable interrogé, destinés aux villes libyennes limitrophes assiégées, est arrivé dans la région samedi dernier, avec un autre convoi de véhicules qui s'est joint à lui, transportant des denrées alimentaire Face à l'afflux de réfugiés fuyant les combats dans les régions montagneuses de l'ouest libyen, la situation humanitaire ne peut qu'empirer, d'autant que les graves incidents survenus lors des dernières heures au niveau du poste de passage de Dehiba n'invitent guère à l'optimisme. Le nombre de réfugiés, déjà fortement en croissance, ne pourra que croître davantage, d'où le besoin pressant d'une intervention de grande envergure à même de parer au manque inquiétant d'espaces d'accueil, à aménager impérativement dans les plus brefs délais.