Jamais des déclarations n'ont eu autant d'effet que celles de l'ex-ministre de l'Intérieur Farhat Rajhi. Nous vivons un moment d'une intense gravité pour tout le pays et ces déclarations sont venues compliquer une situation déjà fragile. Entre ceux qui croient en la véracité de ces propos et ceux qui les dénient, le dénominateur commun est l'inquiétude face à un possible déraillement du cours des évènements. Il est indéniable que cette interview reflète l'impact des déclarations politiques dans une société où l'expression est libre, comme la nôtre. En démocratie, vouloir faire dans la transparence et prétendre présenter des vérités (ou supposées être comme telles), à l'opinion publique, nécessite, avant tout, d'en mesurer les éventuels effets. Si cela n'est pas aisé dans le nouveau contexte tunisien, dont les tendances socio-politiques ne sont pas encore faciles à déterminer, il n'en demeure pas moins que les effets de ces déclarations ont remis en évidence une situation inédite. On a cru que la chute de l'ex-régime allait créer une sorte de consensus entre les différentes composantes politiques. Or, rien ne fut, le front social est plus que jamais dans la revendication. Quant à la violence, elle devient un fait quasi-quotidien et est, en même temps, « l'affaire » de jeunes, difficiles à encadrer par les politiques. Les partis et les associations n'ont pu peser sur les événements et se sont, dans leur majorité, contentés d'émettre des appels au consensus et à l'apaisement, qui sont restés lettre morte. De son côté, le gouvernement joue du bâton et de la carotte, sans pour autant trouver la parade pour remettre la machine en marche. Rajhi a aussi et, sans s'en apercevoir, peut-être, remis en question l'équilibre liberté d'expression/responsabilité et intérêt général. L'éventuel engagement de poursuites à son encontre pourrait aggraver une situation déjà tendue. Les magistrats viennent, d'ailleurs, d'annoncer la couleur à cet effet. Autant de constats qui révèlent un contexte semé d'embûches pour l'avenir de la Tunisie de l'après 14 janvier. Il est nécessaire, tout de même, de faire preuve de retenue, surtout qu'il s'agit de sujets trop brûlants et de garder le consensus autour des institutions républicaines, dont le rôle est vital pour la sécurité intérieure et extérieure du pays.