La banlieue Nord de la Capitale constitue, depuis quelque temps, un haut lieu de la culture, surtout par la concentration et l'animation de l'activité picturale qui se déploie surtout à la Marsa, à Sidi Bou Saïd et à la Soukra. Le nombre de galeries d'art augmente malgré « la crise ». C'est ainsi que Sidi Bou Saïd voit naître la galerie « Saladin », que la Soukra s'enrichit de la galerie « Semia Achour », ... Les expositions que nous offrent ces galeries, ainsi que d'autres plus anciennes, sont nombreuses et variées et comptent parmi les genres artistiques impliqués, la photo, la peinture à l'huile ou à l'acrylique, la céramique, la gravure ou l'aquarelle ; quatre galeries ont déployé, ces tout derniers jours, une activité artistique liée immédiatement à ce qui se passe comme bouleversement, dans notre pays. Les espaces dont il est question ici sont la galerie »Mille feuilles », la galerie « Saladin », la galerie « Sémia Achour » et celle voisine de « Kalysté ». La galerie « Mille feuilles » de la Marsa titre son exposition « L'art est le seul refuge », exprime une sorte d'inquiétude et laisse éclater des préoccupations liées immédiatement à la réalité quelque peu instable de notre pays. La galerie « Semia Achour » à la Soukra, se range également du côté de la peinture « turbulence » et titre son exposition « Tunisie en éclats pour un avenir en fleurs ». La troisième galerie, celle de Sidi Bou Saïd, offre une exposition dédiée au groupe Brise et se préoccupe plus de problèmes plastiques que de problèmes de l'heure, mais même ainsi, les peintres comme Islam Khiari ou le céramiste Mohamed Hachicha restent sensibles à ce qui les entoure. La quatrième galerie, celle de « Kalisté » évoque le grand artiste tunisois, Ali Bellagha et lui consacre une belle exposition ! La galerie « Mille feuilles » présente les travaux de nombreux artistes. Ces travaux sont impressionnants par leur haut degré de technicité, et les capacités expressives qu'ils laissent entrevoir, surtout dans leur rapport à l'ambiance sociopolitique qui domine le pays. Amel Ben Attia, qui se confirme de plus en plus comme peintre, nous propose un travail à technique mixte mais impressionnant, et construit de telle manière qu'il laisse signifier un paradoxe. La représentation semi-figurative « allusive » représente un couple allongé, peut-être en position érotique, mais le titre « Condamné à mort » jette le doute et garde l'œuvre ouverte à toute interprétation. Daly Belkadhi, à son accoutumée, aborde la blessure encore béante de Chatila et consacre à l'histoire du massacre, un monument de mémorisation qui rend hommage aux victimes et dénonce le crime contre le peuple palestinien. Imen Berrhouma réitère sa démarche stylistique semi-figurative très suggestive et s'attache à tromper « la mort » en trébuchant d'expérience. Ali Tennani, technicien reconnu pour sa compétence devient un plasticien très expressif. L'exposition de « Mille feuilles » renferme également des travaux très bien réalisés au niveau compositionnel de Mohamed Harmel, de Claire Daoud et de Nadia Khiari, ... La galerie « Sémia Achour » à la Soukra place les œuvres exposées très franchement du côté également du réel. Le titre de l'exposition « La Tunisie en éclats pour un avenir en fleurs » renvoie à notre réel quotidien assez mouvementé. Les travaux de Zoubeïda Daghfous Chammari dédaignent ses figurations du début pour entrer dans le cercle de l'abstraction en éclats. Les toiles laissent transparaître une structure plate de couleurs pures sur lesquelles planent des éléments géométriques jouant le rôle d'éclats en mouvement libre non ordonné. La Tunisie en éclats voudrait se reconstituer et cette vision optimiste nous mène à une reconstitution en fleurs. Les choses pouvant aboutir à une nouvelle naissance, à un commencement, et c'est le travail de Samia Achour qui se charge de nous montrer des fleurs de couleurs écarlates, symboles d'une sérénité retrouvée pour notre pays. La galerie « Saladin », en bas de Sidi Bou Saïd, et qui a ouvert dernièrement, organise une exposition dédiée au groupe Brise, inspirée aussi très récemment par Wissem Abdelmoula et formée en grande partie par des artistes venant de notre belle ville de Sfax. Les travaux de céramique de Mohamed Hachicha, très beaux, de Rakku pour la plupart, rehaussent sensiblement les travaux de photos, de gravure, de peinture et de dessin. Yasser Jradi poursuit inlassablement ses recherches calligraphiques et nous soumet des exercices de style dépassant les lourdeurs des styles géométriques koufis pour une graphie cursive très dynamique. Les signes suivent des tracés bien moins arbitraires que les sens qu'ils portent. Khaled Abida développe également des travaux graphiques et des dessins très élaborés. Islam Khiari, très expressionniste, ne se voile pas la face et pousse un cri de protestation et de révolte contre peut-être l'injustice et l'angoisse n'est pas moins évidente face à la situation d'aujourd'hui. Tarek Souissi, moins perturbé par un environnement inquiétant, reste fidèle à ses compositions équilibrées qui restituent des paysages, des marines ... nostalgiques. Tarek pourrait, grâce à un travail plus intense, occuper une place plus significative dans le mouvement pictural tunisien. Ahlem Boussandel, très technique et coloriste à souhaits, élabore très sobrement des travaux en aplat en ocre très puissants. Allala Aouari s'exerce à produire des œuvres très animées chromatiquement. Des travaux nombreux de photographie sont exposés par Imen Ayed et Imen Aloui ou ceux de Wissem Abdelmoula. « Kalysté », une galerie déjà très connue à la Soukra, présente un hommage à Ali Bellagha. Cet hommage appuyé à Bellagha montre la créativité de cet artiste pluriel, un artiste à la modestie proverbiale, mais qui a touché avec succès tous les métiers d'art dont la céramique, le bois, ... Il serait peut-être temps de lui consacrer un hommage officiel qu'il mérite enfin de recevoir !