En apparence, elle est plate. Simpliste. Mais, c'est tout de même la question des questions. Une société délivrée de toutes formes d'oppressions subies de père en fils depuis le colonialisme auquel, a succédé un demi-siècle d'Etat schizophrène, eh bien, elle a les mêmes peurs qu'un oiseau en cage auquel on rend la liberté. Tout l'effraye. Mais très vite il retrouve son envol. De surcroît, la Révolution cultive des sentiments contradictoires. Elle avance à petits pas, certes, vers l'édification d'une démocratie qui ne peut être inspirée que des valeurs universelles, sinon elle n'en serait pas une. Mais elle connaît aussi des moments de désenchantement où le rapport à l'Autre tourne à l'affrontement ; tout comme elle sait rebondir y retrouvant la ferveur et la hardiesse de sa force fédératrice des premières heures du basculement de l'Histoire. Or, il s'agit maintenant d'y voir plus clair. Il s'agit aussi de dégager le bon grain de l'ivraie et d'intégrer la chose publique, la chose politique, loin des clichés surannés et la rhétorique des slogans, espèce de prêt-à-porter démocratique emprunté aux modèles étrangers. Car il y a overdose de partis, comme ce fut le cas du Portugal à la chute de Salazar, de l'Espagne et du Japon. Mais, il y a aussi l'hystérie de la critique, défilant des récits fantasmatiques et le tout emberlificoté dans un délire internet à haut débit. L'hystérie franchit ainsi les limites du doute raisonnable et nécessaire. A l'époque, les Tunisiens se résignaient à une représentation cacique : « plus Rcédiste que moi, tu meurs ! » Aujourd'hui, on se libère : « plus démocrate que moi, tu meurs ! ». Et face à cette fresque de la liberté, les couleurs s'embrouillent faute de lumière, peut-être ; à cause de certaines zones d'ombre sciemment obscurcies à la vue d'un peuple assoiffé de libertés, par les démons du passé. Et du coup, ces démons cultivent les peurs, les appréhensions éliminent curseurs et garde-fous, pourtant véritables garants de la Démocratie. De leur côté, la plupart des partis ne font pas vraiment dans la transparence, n'exposent guère leur vision de l'avenir et restent flous et vagues quant aux sources de leur financement. Que reste-t-il, qui soit visible comme un éléphant ? Ennahdha. Ses adeptes affichent les accents du défi serein. Les autres, tour à tour, curieux préoccupés (de quoi ?) ne leur donnent pas le bon Dieu sans confession. Ils craignent qu'Ennahdha ne soit un cheval de Troie qui libèrera le jour J, des escadrons de l'obscurantisme. Parce que l'imaginaire collectif vit sur un fixisme : on confond entre islamisme et intégrisme. On utilise à tort et travers le mot « Chariaâ » ; confusion historique démontrée par Mohamed Talbi (Cf. P.2)… Quelle est la position d'Ennahdha vis-à-vis du Wahabisme, du Chiïsme et du Code du Statut Personnel ? Il y a toujours un « oui, mais… ». Cela ne résout pas le blocage dialectique entre l'exégète et l'Ijtihad. Car si la foi cherche l'intelligence, l'inverse est vrai. « Dieu et l'âme, voilà ce que je tiens à savoir. Comprends pour croire, crois pour comprendre ». C'est de Saint Augustin. C'est aussi la démarche d'Al Ghazali, de Descartes et d'Averroès.