Depuis plusieurs jours déjà, le débat bat son plein sur l'inclusion d'un article interdisant la normalisation avec l'Etat hébreux dans le pacte républicain. Un débat qui semblerait « hors sujet », et qui a suscité un grand échange d'accusations de traîtrise au sein de l'instance. Cela s'est vite propagé dans la rue et le peuple s'est encore partagé, entre les pro arabes appelant à l'importance de cet article et les nationalistes tunisiens, jugeant le moment inopportun pour évoquer ce genre de problème, universel, complexe et ne concernant pas directement l'avenir immédiat de la Tunisie. Les médias, ne pouvant plus rester en marge de ce qui se passe dans les coulisses politiques ont transmis le débat sur leurs ondes. L'objectif étant de donner l'occasion au peuple de savoir ce qui s'y déroule, mais aussi de permettre à ceux qui ont suggéré l'article tout comme à ceux qui sont contre de s'exprimer et d'expliquer leurs raisons. Et le débat a vite tourné autour de l'identité arabo-musulmane, volet qu'on ne peut négliger en traitant le problème moyen-oriental. Que l'on soutienne l'inclusion de l'article dans le pacte ou le choix de laisser les futurs dirigeants s'en occuper, c'est bien l'élément arabe en premier, musulman en second lieu – sachant que les Orientaux comptent une grande population chrétienne – qui incite en nous la compassion avec le peuple palestinien. Autrement, pourquoi aucune réaction, ni prise de position contre la souffrance des tibétains, des soudanais chrétiens tués et qui continuent à l'être et autres souffrances de part le monde ? Le problème reste toujours pour le peuple tunisien – arabo-musulman – celui de l'occident, par la main du sionisme, massacrant des Arabes. Que les arabes s'entretuent entre chiites et sunnites, que les Somaliens se massacrent mutuellement entre Moudjahidines et « mécréants », ou que les Soudanais chassent de leurs villages les communautés chrétiennes soudanaises laissent indifférent le peuple tunisien. Et le peuple tunisien reste silencieux face à ce qui se passe dans le sahara occidental, crise qui déchire pourtant deux pays frères et entrave l'union du Maghreb depuis des années. Bref, sans s'étendre sur les guerres et autres problèmes qui déchirent les Arabes eux-mêmes, il est facile alors de démontrer l'importance de l'élément identitaire arabo-musulman dans le soutien de la cause palestinienne. Je suis berbère «de souche» Lors d'un débat passé à Nesma, l'animatrice, Rim Saïdi, réagissant à la question de l'identité, avait dit « je suis berbère de souche ». A priori, rien de nouveau ou de choquant dans ce qu'elle a dit. L'élément berbère existe dans notre sang ou dans le sang d'une grande majorité de la population et preuve d'un peuple qui s'ouvre sur les autres et qui ne s'est justement jamais enfermé dans un seul élément, ce sang s'est mélangé chez des milliers de personnes avec du sang phénicien, arabe, turc, byzantin, français, espagnol, italien… La remarque ainsi perçue aurait pu passer sous silence, au pire, certaines personnes auraient pu critiquer l'animatrice pour avoir émis une remarque personnelle dans un sujet public qu'elle était chargée de tourner. Encore est-il qu'un présentateur n'est pas interdit d'émettre parfois une remarque personnelle, pour redresser la conversation ou rappeler un élément dans le but d'être impartial. Sauf que cela est permis ailleurs, pas chez nous, d'un côté car nous trébuchons encore sur le chemin de la démocratie, d'un autre car beaucoup n'ont pas manqué de récupérer cette phrase et de l'instrumentaliser. Nous avons alors assisté à une opération de lynchage et de menaces parcourant tout le net. On a insulté Rim, on l'a parjuré et accusé de traîtresse. Son tort ? Elle combat l'Islam, soutient le sionisme, et veut effacer l'élément arabe de notre identité. En observant le mouvement né à l'encontre de la présentatrice on a du mal à croire qu'il est spontané, surtout qu'il nous rappelle d'autres pages, groupes, vagues, qui se vouent à combattre ceux qui menacent l'arabo-musulman chez nous, or depuis quand, l'on s'est posé sur ce qui pourrait être dans l'aspect de notre vie quotidienne arabe, musulman ou hérité d'autres civilisations ? Et même si la curiosité poussait quelqu'un à se demander d'où venait le couscous – berbère – pourquoi à Tunis l'on portait la Fouta et Blousa – turque – et quelle est l'origine de la Madfouna (Bkaïla) – juive – et ne parlant pas de notre langue, un vrai mélange (…) Cela n'allait jamais jusqu'à l'exclusion des coutumes non arabes. Rappelons aussi qu'il y a les arabes et les mosta'ariba « arabisé » et que seuls les habitants de la péninsule arabe sont des vrais arabes, les autres peuples, aujourd'hui arabes ont été arabisés. Pourquoi, aujourd'hui n'insister que sur cet élément et effacer tout le reste ? C'est à croire alors que ce mouvement de paranoïa, d'accusations, et de peur est dirigé, voulu, et surtout instrumentalisé. Mais en vérité qui peut bien être derrière ces mouvements ? Partis politiques voulant accroître ses partisans en s'appuyant sur un élément aujourd'hui menacé, humilié par la domination occidentale ? Des agents de l'ancien régime qui ne veulent surtout pas que les Tunisiens s'organisent et construisent leur démocratie ? Des extrémistes ? Est-ce là la liberté d'expression ? Les opérations de lynchages se succèdent pour avoir émis un avis ou révélé une pensée, qui ne plaisent pas forcément à la majorité, ou pis encore qui ne plaisent pas à une minorité mais qui sait très bien faire entendre sa voix faisant ainsi effet de foudre et laissant croire que des milliers sont du même avis qu'elle ?
L'avis du sociologue Mohamed Ammar : «Il y a sûrement ceux qui ont instrumentalisé et utilisé des jeunes, perdus encore dans leur identité» Ce que la présentatrice a dit est tout a fait spontané, il n'y a pas de quoi faire une réaction. Ce qui s'est passé alors démontre une montée de l'extrémisme et du fanatisme religieux. Il y a sûrement ceux qui ont instrumentalisé et utilisé des jeunes, perdus encore dans leur identité pour qu'ils soient leur «arme» dans la campagne de menaces qu'elle a subie. Certains partis ont alors exploité ce vide identitaire.