C'est un recueil repu de lumière, où même les regrets ont la légèreté furtive des songes bleus, amarrés à une aube accrochée à des fils d'argent, qui tissent l'horizon en un large voile qui s'étend, entre deux rives ballotées par les vents, qui s'affrontent mais ne se déchirent pas. Mais la mélancolie est sourde et habite la maison du poète, où la douceur de l'âtre n'empêche pas la froidure du cœur de l'hiver de s'installer, entre deux errances à quadriller la terre, inlassablement, tandis que remontent, du plus près des rêves distendus, des clameurs d'enfance et le flot ininterrompu des rivières, comme le cristal des yeux qui se mirent dans un éclat de miroir, penché sur la mer. Parfois la nuit est tenace mais entêtant l'espoir, comme un parfum qui s'abandonne, aux langueurs graciles des bras aimés. Alors les dunes épousent le doux chuchotis des étoiles, et se referment sur leurs secrets. « Feuilletis », premier recueil de poésie, signé par Ahmed Ben Mahmoud (ed. L'Harmattan, 2010), prend les allures d'une quête, dont l'exil serait le royaume, les départs, des points de jonction entre ce que fut hier et ce qu'il en est aujourd'hui, et la nostalgie, une fleur fragile, née sur les décombres de l'hiver, comme un rappel d'un printemps, qui attend timidement son heure, lové comme une tendresse, derrière une porte. Qui sait si elle est ouverte, ou à jamais fermée ? Le poète n'en n'a cure qui a contemplé l'horizon. Il sait, aux pulsations de son cœur, que demain sera toujours un autre jour… Mais le regret est tenace, et l'absence un espoir en creux, que n'étouffera aucune douleur, par delà les nuages. Alors, un poète qui se souvient de son enfance écrira : « … Pourvu que résiste, ô la fenêtre bleue, qui m'a vu partir! ».