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«Un cœur d'oiseau», un pinceau de maître
Portrait - Lamine Sassi, Prix national des arts plastiques
Publié dans La Presse de Tunisie le 02 - 03 - 2010


Des bouts des doigts dégoulinent des larmes de couleur sur la blancheur des cygnes, le cœur bon enfant et le regard transparent, il nous fait signe afin de scruter avec lui la beauté de ses créatures; lui, c'est Lamine Sassi, le peintre au pinceau enchanté ! A la création de chacune de ses toiles, deux étoiles scintillent dans ses yeux, scintillent tellement que Pollux et Castor les plus constellées s'étiolent.  A chaque toile, une étoile, ou plutôt à chaque étoile une toile, car il a promis d'é-toiler son ciel et de parsemer la beauté aux quémandeurs insatiables de l'art. Peintre de l'instant, rêveur discret, porteur de lumière, rôdeur nocturne de l'avenue Habib-Bourguiba, chantre féru de la diva Oum Kalthoum, attaché intimement à ses couleurs comme l'Orphée à sa triste lyre. Je me disais, avant de le rencontrer, faudrait que tu accompagnes avec toi la Muse pour que tu puisses matérialiser sa sensibilité et sa peinture en mots cadencés et en images raffinées, mais la Muse m'a répondu : tu n'auras pas besoins de moi, car tu rencontreras un poète que j'ai enfanté lyriquement. Tout à fait, en l'interrogeant sur l'acte pictural, il s'est effleuré tout doucement en poésie, et j'ai compris ô combien je suis face à un poète velouté qui fait de son moment de création un rituel sacré, alors il dit : «la bascule du temps Lorsque l'idée s'assombrit, la lune regrette et les calamités se heurtent Remue-toi vers la fenêtre et assieds-toi à côté d'elle Jusqu' à ce que la ligne blanche émerge et soit horizontale A ce moment-là, jette-toi sur ses pages Lave-toi ta droite Et prends le pinceau Alors la toile soit» Il affirme que, lorsqu'il peint, il vit l'acte pictural dans l'instantanéité et la légèreté de l'être, il se sent ainsi suspendu dans le temps et l'espace, et se dandine dans l'apesanteur comme un frêle duvet, puis, quand il achève sa toile, il revient à la terre comme spectateur, et pour se réconforter, il appelle Yasmine, sa fille, afin qu'elle soit témoin et lui dise tout naïvement, mais tout sincèrement, ce qu'elle ressentait, et souvent elle lui en sortait sa fameuse expression enfantine «du barbouillage et du gribouillage». C'est cette fraîche impression qui l'importait, plus que l'interprétation des littérateurs, car ces derniers écrivent à tort et à travers, alors que lui, il «exige l'intelligence, le beau regard, le bel œil et l'intention de s'enfoncer au fin fond de ce manœuvre de picturalité, afin d'accueillir et de cueillir l'œuvre d'art, il faut être averti!», insiste-t-il. Enfant, il avait dessiné sur les murs avec du charbon et de la craie, et il était puni pas mal de fois d'avoir sali les murs des voisins, il avait dessiné le palmier, l'oiseau, la rivière, et il en garde aujourd'hui encore une trentaine, même si, quand il a grandi, il a compris que la peinture est tout autre que ce qu'il avait dessiné enfant, quelque chose d'insaisissable, hermétique, fuyante, voilée… Il avoue qu'il avait beaucoup appris de son maître Rafik El Kemel lorsqu'il était étudiant aux Beaux-Arts, ce dernier lui avait inculqué ses préoccupations plastiques, ses nouvelles idées toutes fraîches et éclairées par les lumières de Paris, il avait appris de lui «comment défoncer les portes de la Muse, comment dégager de la gaucherie son côté charmant et beau et savoir parler de la laideur». Il a eu, bien entendu, d'autres grands peintres aux Beaux-Arts, à l'instar de Hédi Turki, Ridha Ben Abdallah, Boudan, Mahmoud Shili, Khalifa Chaltout en gravure, à savoir que Lamine Sassi est aussi un grand graveur, par la suite un bon dessinateur, car, d'après lui, il est important de connaître les arcanes du métier et la variante des techniques, de surcroît le don, pour que l'œuvre s'affirme en toute générosité. Lamine Sassi est le peintre qui s'exprime par excellence en métaphore, que ce soit avec la plume ou avec le pinceau! Il dit, parlant du contraste pictural : «Quand tu injectes de la lumière dans une toile, tu éclaires tout le onde et surtout tu mets ton ennemi en évidence puisqu'il est trop sombre». Ainsi, quand on a le cœur enflé d'amour et de sensibilité, l'âme cristalline, les poumons remplis d'air parfumé d'ambre et de jasmins, on apprend à savourer le beau et à apprécier les grands maîtres sans pour autant leur ressembler ou les singer. Chacun se pétrit et se façonne comme le lui dicte son être et non pas les impératifs du temps et la vogue de l'époque. Etre soi-même, tout en étant autre que les autres, c'est la loi de Lamine Sassi ! Bien que l'esprit de l'époque des années 70 ait voulu le piéger dans le creux de l'identité de la peinture arabo-musulmane, lui, il s'était mis à dessiner des cerfs volants, seul et esseulé… il dit : «J'ai bifurqué par rapport aux choix qu'ils ont voulu m'imposer quand on était les bleus des Beauts Arts, je suis resté 4 ans sans peindre, car à chaque fois je m'essayais un signe ou une lettre arabe, je me trouvais dans l'impasse du temps, et comme le temps court et passe, j'ai choisi mon cheminement. Je n'ai pas une identité, ou une appartenance idéologique, je suis la continuité de personne, mais je suis la continuité de ma génétique. Quand je me suis trouvé dans cette impasse, je me suis mis à peindre des cerfs volants qui n'ont pas arrêté de se rapprocher de moi, c'est-à-dire de ma fenêtre picturale… je dessine à chaque fois quelque chose de transparent, derrière elle des silhouettes, après ces ombres là déchirent le voile, traversent la fenêtre et se mettent en théâtre devant mes yeux picturaux, laissez-moi alors continuer à être poète, théâtral, pictural, à avoir ma Muse à mes côtés!». Point de surprenant ! En effet, sa peinture reflète bien sa personne, sa fragilité et sa spontanéité innée. Ses toiles lui ressemblent tant, les visages féminins qui y dominent tiennent de lui. Et pour cette raison, je lui ai demandé, s'ils étaient des visages familiers, des créatures fantasmagoriques ou plutôt c'est lui, à chaque fois portant un masque de féminité, alors il m'a répondu que ces femmes ne lui appartiennent pas, mais elles hantent les toiles et émanent à chaque fois comme un doux parfum, il ajoute aussi: «Mes personnages, c'est l'attente de quelque chose enfouie dans l'au-delà de la pensée et de l'être, ils sont asexués parce qu'ils sont rêveurs; fantasmagoriques parce que le fantasme est chargé de connotations, le mystère c'est le secret de la vie, c'est le Beau, et le Beau te touche mais tu ne peux pas le définir, et quand tu cherches dans la poésie à ce moment, tu vas parler de la poétique de la toile». Lyrisme et onirisme tamponnent l'univers pictural de Lamine Sassi. D'ailleurs, toute son enfance était passée dans la verdure et l'immensité de la ferme de ses parents à Manouba. Enfant d'Oued Ghariana, il assistait aux crépuscules, il décryptait le murmure du vent dans les arbres, il nommait les fleurs et les plantes. Il a ainsi cultivé la spiritualité de la nature, car ses propos témoignent souvent d'un certain mysticisme. Il apprécie la délicatesse, la subtilité et la grandeur d'âme qu'il perçoit dans des peintres comme Ammar Farthat, Abderrazak Sahli, Hédi Turki, Néjib Belkhouja, Asma Mnawar, Raja Ben Aissa… et des poètes comme Abou El Kacem Echebbi, Awlad Ahmed, «il y a des gens vraies, qui ont un cœur d'oiseau, Awlad Ahmed, ce grand poète est imbibé d'émotions, son cœur est dans ses mains et non dans son thorax, si tu le touches, il meurt, et pourtant il ne s'arrête pas de le montrer aux autres, Houcine Kahwagi, un autre, si j'avais à lui croquer un portrait, je le verrai en tant que oiseau chétif qui ne paie pas de mine mais qui a un chant qui couvre la vie… ces gens-là logent dans nos mémoires, ils ne sont pas nombreux mais c'est déjà suffisant!». Cette délicatesse des artistes vient certainement d'une seule enchanteresse qu'est la muse et que Lamine Sassi nous invite à visiter sa gite en toute douceur‑: «Puisqu'elle est entr'ouverte, n'hésitez pas à entrer, et sur la pointe des pieds s'il vous plaît! Puisqu'elle sait écouter, parlez-lui tout doucement, et en la quittant laissez la porte entr'ouverte, comme ça vous allez revenir pour la retrouver, elle c'est la muse!».

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