Ils reviennent dans les partis et convoitent les poste-clés de l'administration Le nouveau parti « Afeq Tounès » a été, dimanche, empêché de tenir une réunion à Gafsa. La personne qui devait louer un local pour le rassemblement y a finalement renoncé sous la pression de nombreux protestataires. Ces derniers se sont manifestés ensuite et ont scandé des slogans hostiles à ce parti, l'accusant entre autres de couvrir en son sein des infiltrés de l'ancien RCD. Cela offusqua les responsables d'Afeq Tounès et obligea l'un d'eux à nier tout lien avec le parti dissous de Ben Ali. En fait, les hommes d'Afeq ne sont pas les seuls à se disculper de toute relation avec les partisans du président déchu et les membres du RCD. Nous sommes pourtant prêts à parier que même les partis les plus radicalement opposés à Ben Ali comptent actuellement des infiltrés du RCD. Aujourd'hui, six mois après la Révolution du 14 janvier, le retour en force de la bande à Ben Ali est une réalité. Les RCDistes refont surface partout où ils le peuvent, notamment dans les administrations publiques et dans le cadre des nouveaux « petits » partis politiques. Le repositionnement, en attendant la revanche Nous en avons connu à l'université qui, pendant les premiers trois mois qui suivirent la Révolution, cachaient leur tronche aux regards de leurs collègues indignés. Lorsqu'ils réapparaissaient pour une raison de force majeure, ils faisaient profil bas et s'éclipsaient très vite. Depuis deux mois, cependant, leur présence devient de plus en plus remarquée dans les réunions, les rencontres, les débats. On la sent même arrogante, cette réapparition. L'autre jour, un des universitaires qui ont soutenu la candidature de Ben Ali à un nouveau mandat en 2014 s'est même montré menaçant à l'encontre de l'une de ses collègues de grade inférieur. Dans les administrations, ils se font nommer, voire réélire, à la tête d'instances diverses. Ils traînent devant les tribunaux journalistes, hommes politiques et citoyens ordinaires et les accusent de diffamation. Quant à leur activité au sein des mouvements politiques et des associations, elle est beaucoup plus intense qu'elle ne l'était à l'intérieur du RCD. Leur implication y est totale : assiduité exemplaire, mobilisation sans faille, prise de parole plus fréquente, contribution financière, disposition inconditionnelle aux déplacements répétés, prise de responsabilités et de risque etc. Mais là, on ne parle que de la partie visible de leur action, parce que sur face-book et dans les coulisses de la scène politique, ils sont aussi, sinon plus engagés dans la campagne pour le repositionnement, la « réhabilitation » et plus tard la « revanche » ! L'hydre respire encore On redoute peut-être trop ces derniers temps la menace islamiste. Méfiance : il pourrait s'agir d'une manœuvre pour occulter et faire oublier le danger RCDiste. L'hydre respire encore et mieux peut-être que jamais auparavant. Cela devrait rappeler la fable de la Fontaine sur le renard qui fit le mort devant la charrette du poissonnier pour se faire transporter au milieu des cageots débordants de marchandise encore frétillante. Le risque est grand en effet que l'on retourne à la case départ après les élections d'octobre prochain. Il n'est pas facile pour la large masse supportrice de Ben Ali durant plus de 20 ans de renoncer aux privilèges dont elle jouissait en toute impunité et le plus insolemment du monde. Un ancien camarade de classe qui occupa sous l'ancien régime un poste important à titre de détaché seulement, nous énumérait il y a quelques jours, sur un ton frustré et nostalgique, les nombreuses largesses dont il bénéficiait, les honneurs multiples dont on le couvrait et surtout le pouvoir absolu dont il disposait sur ses administrés. Imaginez donc les privilèges de ses « maîtres » et « contremaîtres » à lui : ils doivent être faramineux ! Qui en ces temps opportunistes lâcherait sans résistance des aubaines pareilles. Ripaille démocratique On nous parle des RCDistes « honnêtes » et « honorables » et de leur droit au rachat : nous sommes convaincus -et les temps nous l'ont prouvé- que sous Ben Ali et la mafia des Trabelsi, le mot « rachat » n'avait gardé que son sens purement commercial et mercantile. Tous les RCDistes (convaincus ou pas) ont cautionné cette valeur marchande des choses spirituelles. Ils ne pouvaient pas ignorer les abus criminels de leur chef et ceux de son épouse. Les enfants des crèches en avaient vent, comment admettre que les « adultes majeurs et vaccinés » du RCD n'en aient rien su ! Quant à l'honneur et à l'honorabilité, peuvent-ils qualifier ceux qui, en connaissance de cause et nullement sous l'effet des drogues, ont applaudi, couvert et défendu la malhonnêteté des dirigeants de l'ancien régime ? Certes, il y en a qui l'ont fait plus discrètement que d'autres, mais pas un n'est totalement blanc. Si vraiment, il y en a qui sont sincères dans leur désir de « rachat » moral et politique, pourquoi s'empressent-ils de reprendre du pouvoir, qui plus est au sein d'associations et de partis autour desquels le doute plane ? Il y a bien évidemment anguille sous roche, et la bêtise consisterait à nier les évidences. En tout cas, une réalité ancienne et nouvelle à la fois encourage les RCDistes à sortir la tête de l'eau, à reprendre du poil de la bête : les autres prétendants au pouvoir ne sont pas non plus des anges. S'il s'agit d'une réunion de requins, pourquoi alors en exclure le plus habitué aux ripailles carnassières !