Certains diront que les Américains n'aiment pas la poésie, et ils n'auront pas besoin de fouiller dans les souterrains de ce peuple, pour en extraire des arguments puissants pour en justifier leurs paroles. Oui, les Américains n'aiment pas la poésie, du moins ils la supportent très mal. Cela est dû à leur approche du facteur temps, et la manière dont il faut l'imploser, l'exploser, pour pénétrer sa plus petite particule, s'y blottir, le temps d'une chanson. Ils savent compter le temps à haute voix; cinq… quatre… trois… deux… un… Mais ce n'est pas le zéro qui va suivre mais l'ordre du départ : «Go… go… go. Go Johnny begood ». Le même mois de je ne sais plus quel année, peut-être 70 ; j'ai la mémoire qui flanche, ou bien me suis-je toujours débrouillé pour oublier l'année du départ de ceux que j'aime, Jimmy Hendrix agonisait dans le car de police qui l'amenait on ne sait où, en serrant sa guitare entre les bras. Quelques jours avant ou après, Janis Joppling va suivre, en donnant ce fameux coup de pied dans le néant. A-t-elle jamais existé ? Rose de nuit, fleur de bitume, de nouveau sur la route, avec Kerouac, laissant traîner derrière lui, quelques vieux météores fossilisés. Croa… Croa… crachaient les corbeaux à l'enterrement de la mère de Ginsberg, alors que le seul poème qui demeurait était découpé à la tronçonneuse par cet inspecteur des espaces- nova, qui s'éparpilla comme un ticket qui implosa, explosa, après un festin nu, échoué ainsi dans la machine molle. William Burroughs taillait dans le roc-poème, aux gens de sa génération, avec la même ferveur que André Breton dans l'unique poème qui le sauverait un tant soit peu, du néant intitulé l'union libre. Ah ! J'allais oublier que Jimmy Morrison est mort aussi, la même année, à 27 ans. Hendrix, Jopling, et l'espion dans la maison de l'amour qui connaissait tout, et pour toujours, ont été broyés par la machine folle, à 40 jours à peine de distance. Il n'y avait plus alors de poètes en Amérique, les Américains pouvaient dormir tranquilles, et pour longtemps… Après tout, les mots ne sont faits que pour qu'on joue avec, mais bon. Alors jouons avec… Tout le monde a oublié. Jusqu'à ce jour où un brin de rose brune, maquillée de rosée et de mazout, osa hurler qu'elle est aussi une femme amoureuse. D'où vient-elle ? Tout le monde s'en fout. De la cuisse de Jupiter ou de celle de Hendrix ? Du bras droit du soldat inconnu, qui tomba sur scène comme un véritable Rolling Stone, lui qu'on a voulu destituer pour donner l'éclat à ces termites sanguinaires qui s'offrirent comme repas de départ, la mort du plus fou d'entre- eux, donc du plus beau. Lui aussi pouvait répondre aux normes de ce club de 27. 27 ans, pour que Mike Jagger puisse sortir la langue d'entre la fermeture-éclair de ses lèvres de poisson d'ombre et d'eau douce. Et il aurait beau siffler « Keït, ne va pas t'effilocher ainsi les veines, dans les ruelles d'un New York pourri des années 30, Keït, reste en vie… », ce fut le dernier remake, du départ, avec « I miss you ». Il n'y a que cette Amy de mes deux cœurs, qui est venue pour partir, juste à 27 ans, histoire de rappeler aux Américains, que la poésie c'est rien, et que le plus important c'est de donner l'ordre du départ : « Go, go Johnny be good… ». Etait-elle Américaine ou Anglaise ? Je ne parle pas d'Amy Winehouse, mais de poésie… Non mais elle est strictement désertique. Est-ce qu'elle habite une zone interdite, où le seul mot d'ordre est donné par cette reine fuyante que Salomon voulu séduire et qu'on appelait alors, la reine de Saba. Comment Saba Amy, maintenant que tu n'es plus là ? Je connais au moins une personne qui te pleure encore, quatre jours après ton départ pour l'au-delà. Et ce n'est pas moi. Je ne te connais pas.