Ramadhan c'est la période du retour intensif des traditions sous toutes leurs formes, et particulièrement dans le domaine de la consommation. Cela commence au moment de la rupture du jeûne, avec une gorgée d'eau accompagnée d'une datte, selon une tradition ancestrale. Or, si ces fruits étaient disponibles en quantité et à des coûts abordables, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Le prix des dattes est devenu prohibitif : plus de cinq Dinars le kilo pour un fruit produit chez nous et non pas importé du fin fond de l'Afrique ! « En plus, la récolte de cette année n'a pas encore eu lieu, affirme un client furieux, et les dattes que l'on nous vend à ce prix-là sont celles de l'année dernière, avec parfois des surprises désagréables, comme de petits vers ou un goût aigre ! » Durant la nuit, les familles tunisiennes aiment consommer bon nombre de pâtisseries typiques, comme la « Krima » saupoudrée d'amandes pilées, la « Bouza » mélangée à des noisettes, les «Qatayef» avec plusieurs types de fruits secs. Or le prix de ces fruits ne cesse de grimper atteignant des sommets insoupçonnables jusque-là. Les noisettes vont de 16 à 20 Dinars le kilo, selon la grosseur des fruits et leur fraîcheur. Les amandes coûtent entre 20 et 22 Dinars le kilo selon la qualité, alors que l'espèce dite « Âchaq » peut dépasser les 24 Dinars. Les pistaches arrivent en tête : jusqu'à trente Dinars le kilo pour celles qui sont décortiquées et prêtes à l'emploi. Une dame attire notre attention sur un trafic assez répandu semble-il : les fruits secs moulus. « Méfiez-vous, dit-elle, car on y mélange toutes sortes de choses, de la farine, mais aussi des pois chiches ou même des fèves, qui coûtent moins chers. Parfois, les fruits sont mal tamisés et mal nettoyés, et on y retrouve ce goût désagréable du sable… » Autre friandise dont les tunisiens raffolent : la « Chamia », très appréciée avec le plat populaire de sorgho (droô) consommé dès le premier creux nocturne. Son prix dépasse actuellement les 3D500 et il peut atteindre cinq Dinars la livre. Confectionnée à base de grains de sésame, cette friandise ne devrait pourtant pas dépasser deux ou trois Dinars. En fait, selon un connaisseur, « ce sont les fruits secs ajoutés à certaines marques qui ont fait monter les prix récemment… » Et puis il y a les gâteaux tunisiens classiques comme « Kaâk El Warqa », dont le kilo dépasse allègrement les 25 Dinars et même bien plus dans certaines pâtisseries qui ont pignon sur rue et où les gens vont par snobisme. « Moi, dit cette jeune dame fraîchement mariée, je fais de petits gâteaux à base de chocolat que mes invités adorent. D'abord ça me coûte moins cher, ensuite c'est facile à confectionner à partir des recettes que je trouve sur internet. » Décidément internet est entrain de ruiner nos us et coutumes ! Autre tradition onéreuse, mais nécessaire selon nombre de ces dames : à l'occasion des soirées familiales, où on reçoit des êtres chers ou des amis que l'on voit rarement, on sert aussi du thé aux pignons. Or le prix de ce fruit sec est devenu prohibitif depuis quelques années. Il atteint 70 Dinars le kilo, « pas très loin du prix de certains métaux précieux ! », ironise un monsieur d'un certain âge. Prohibitif ! Ainsi donc, nombre de plats traditionnels, de petites confiseries et autres pâtisseries sont en voie de disparition à cause de leur coût de plus en plus élevé, surtout leurs ingrédients de base.