Arrogance des commerçants, diktat des circuits de distribution, marché de gros toujours impénétrable et numéro vert que personne ne consulte. A une semaine du mois de Ramadhan, la mercuriale dans les marchés de fruits et de légumes commence à grimper ! Déjà, les consommateurs se plaignent depuis quelques mois de la hausse des prix au niveau des denrées alimentaires et des produits de consommation courante. Une petite virée effectuée hier dans quelques marchés municipaux nous a révélé l'ampleur de la flambée des prix chez les marchands des fruits et légumes qui affichent des prix un peu plus élevés que d'habitude. Même les prix des produits de saison, notamment piments et tomates, supposés être abordables, donnent parfois le tournis ! Au rythme où vont les choses, à quoi peut-on s'attendre donc, en matière de prix, pendant le mois saint qui est à nos portes ?
Flambée des prix
Un message, diffusé depuis quelques semaines sur les ondes d'une chaîne radio privée de la place, fait part des doléances d'un citoyen qui se lamente de la cherté de la vie ces derniers mois en Tunisie en ces termes : « De grâce ! De grâce ! Où donc va-t-on avec ces prix exorbitants ? » Voilà un cri de détresse lancé par un citoyen dont le budget ne lui permet pas de remplir son couffin des seuls produits de nécessité ! Ces lamentations sont devenues courantes et on en a entendu chez tous les consommateurs rencontrés dans ces marchés où les prix ne sont pas à la portée de toutes les bourses. En effet, l'oignon est vendu à 480 le kg alors qu'en pareille saison, il ne doit pas dépasser les 360 millimes le kg ; les piments piquants se vendent à 1380 le kg et les piments doux dépassent parfois les 1700. Même chose pour les pommes de terre dont le prix a atteint les 750 millimes. Courge et courgette ont vu respectivement leur prix s'élever jusqu'à 1200 et 1600 le kg. Les prix des haricots verts, des laitues, du persil et du céleri ont connu une légère hausse depuis quelques jours et ils se vendront plus cher avec l'arrivée du Ramadan, étant des produits trop demandés en ce mois saint. Les citrons, eux aussi très appréciés en période de jeune, deviennent de plus en plus rares et leur prix qui oscille entre 1200 et 1800 est déjà très élevé. Les autres légumes (carottes, navets, radis, concombre et épinards) sont devenus plus chers que d'habitude, étant des produits trop demandés pendant le Ramadan. Même tendance haussière pour les fruits. Le prix des pêches varie entre 1800 et 2500 millimes pour le kg. La pastèque a enregistré une forte hausse : elle se vend jusqu'à 350 le kg, alors que deux semaines avant son prix a chuté jusqu'à 250 millimes. Idem pour les melons qui se vendent, selon la qualité, entre 650 et 750 le kg. Les raisins et les dattes sont presque hors de portée pour une bourse moyenne. Inutile de parler du marché aux poissons où les prix sont loin d'intéresser le consommateur qui se trouve incapable d'aborder les prix affichés. Même les poissons bleus (sardines, maquereaux, thon…), censés être à bon marché, voient leur prix grimper outre mesure. Côté boucherie, la viande de bœuf se vend à 15 dinars le kg chez la plupart des bouchers et celle du mouton oscille entre 12 et 13 dinars le kg et ces prix ont tendance à s'élever davantage pendant le Ramadan. Quant aux viandes blanches, on enregistre une petite hausse au niveau des prix de dinde et du poulet. Bref, la hausse des prix n'a donc épargné aucun des produits qui sont indispensables à la préparation des plats du Ramadan.
Rationaliser la consommation
Le mois de Ramadan a donc toujours été accompagné de la montée soudaine des prix de plusieurs denrées alimentaires. C'est devenu comme une tradition, voire une fatalité ! Certains commerçants font de cette période l'occasion de réaliser des profits illicites et malhonnêtes sur le dos des consommateurs qui, il faut le dire, ne lésinent pas sur les dépenses du Ramadan, obéissant à leurs caprices souvent exagérés. Inutile d'aller chercher les agents responsables de cette situation économique dégradante qui accompagne le mois du jeûne chaque année : faudrait-il accuser les fournisseurs du marché de gros, les commerçants détaillants, les intermédiaires commerciaux, ou bien les consommateurs aux dépenses effrénées ou encore l'inefficacité des mesures prises par les autorités en matière de contrôle des prix ! Toutes ces parties sont, à vrai dire, pointées du doigt. Mais elles ont l'air de se renvoyer la balle : les commerçants, tout en admettant qu'il y a hausse des prix, rejettent la responsabilité sur les fournisseurs au niveau du marché de gros. Les consommateurs achètent tout en se lamentant et trouvent toujours que les efforts des autorités ne sont pas suffisants en matière de contrôle économique. A leur tour, les autorités reprochent aux consommateurs de mal gérer leur budget pendant le Ramadan et qu'ils ont besoin de mieux rationaliser leur consommation. C'est toujours le même scénario qu'on nous fait entendre ! Chaque année, on enregistre des milliers d'infractions commerciales et des sanctions économiques appliquées sur les spéculateurs, les trafiquants et les fraudeurs. Et chaque année, les autorités nous rassurent sur l'approvisionnement du marché en quantités suffisantes des produits agricoles et dérivés pendant le mois de Ramadan. Mais c'est toujours la même ritournelle et les mêmes doléances des consommateurs qui, souvent, manifestent une certaine indifférence et ne sont pas suffisamment coopératifs avec les agents de contrôle au cas où ils seraient bernés par des marchands sans scrupules, rien que pour éviter certaines tracasseries administratives. Et dire que certains clients ne daignent pas recourir au numéro vert mis à leur disposition pour dénoncer une quelconque infraction, ce qui encourage certains commerçants de persister dans leurs fraudes. Drôles de consommateurs tunisiens, en définitive !