Un dicton local présente Jendouba comme «un pays où l'on débarque en pleurs, mais dont on se sépare également en larmes ». Détrompez-vous ! Il ne s'agit pas, dans les deux cas, de la même cause lacrymogène. Si, en effet, du fait des préjugés séculaires dont Jendouba a toujours souffert depuis le règne régionaliste de Bourguiba jusqu'à la gouvernance mafieuse de Ben Ali, le fonctionnaire venant d'ailleurs accueille très souvent son affectation dans l'ex-Souk- El Arba avec les larmes de l'appréhension et de la crainte, ce même responsable, quelques années plus tard, ne peut pas se retenir non plus de verser des larmes quand il est informé de sa mutation de Jendouba vers une autre région du pays. Ce sont, cette fois-ci les larmes du regret et de l'attachement. Le regret de devoir quitter cette Jendouba excessivement hospitalière et qui éprouve un plaisir maladif à choyer ses dignitaires non autochtones ! Sauf de rares exceptions connues pour leur droiture et leur intégrité morale, qui, en effet, des gouverneurs et des délégués qui se sont succédé à la tête de Jendouba des PDG et des directeurs régionaux de l'administration publique d'avant le 14 Janvier n'a pas souhaité, au moins une seule fois, prolonger son séjour dans ce qu'ils appellent eux-mêmes la Floride de La Tunisie ? Sans doute pas par amour pour les Jendoubiens dont on dit, par ailleurs injustement, qu'ils sont rustres et vulgaires, mais pour se faire accorder le temps nécessaire de prendre du ventre et de faire fortune sans bourse délier ! Une véritable institution Pendant des décennies à Jendouba, la corruption, l'abus de pouvoir, le trafic d'influence sont devenus de véritables institutions. C'est à peine si des bureaux de corruption itinérants n'ont pas demandé à être légalisés ! Aucun secteur n'y a échappé et la vénalité généralisée a touché tous les services. Le phénomène est devenu d'une telle banalité qu'une véritable fourmilière d'entremetteurs s'est vite constituée, qui parmi la pègre locale, qui évoluant dans le secteur où le service est sollicité qui encore gravitant autour du malodorant club des notables locaux. Tous agissaient jusqu'au 14 janvier dernier et peut être au-delà dans l'impunité totale. Cette meute de véreux est connue de tous et, comble de l'ironie, tirait une fière allure de sa sale besogne ! Mutisme tous azimuts Paradoxalement, de la corruption à Jendouba, partis politiques, barreau local, militants des droits de l'Homme, tous n'en pipent pas un seul mot, pris comme ils le sont les uns dans le tourbillon des calculs électoraux, les autres par la course aux sièges provisoires d'avant la constituante. Pourtant que de dossiers mériteraient d'être dépoussiérés et réévalués ! Que de tiroirs pourraient rendre de précieux services à la région s'ils étaient revisités ! Que de voix, aujourd'hui, muettes, pourraient enfin, si elles acceptaient de le faire un jour, nous éclairer sur le racket systématique auquel était soumis tout candidat aux affaires, et sur tous les emplois fictifs et les gains illicites qu'ils généraient au profit de tous ces charognards qui géraient les fonds fallacieusement sociaux qu'étaient le 26-26 et le 21-21 ! Au rythme selon lequel l'imperceptible transition démocratique se fait actuellement à Jendouba, il y a fort à parier que l'ouverture des dossiers de corruption sera remise aux calendres grecques, si elle n'est pas déjà désespérément confiée aux soins du seul Tout-Puissant ! Puisse l'avenir me détromper !...