La Haute Instance Supérieure pour la réalisation des Objectifs de la Révolution prend ses marques. C'est ce qui en ressort de la séance d'hier, où l'on voit une instance se muer dans son rôle de protecteur de la Révolution et sortir de sa léthargie, pour réagir enfin aux évènements insensés survenus ces derniers temps. L'invitation du groupe des 25 avocats et le rapport des visites rendues aux ministres de la Justice et celui de l'Intérieur en attestent. La Révolution tunisienne sept mois après : une tempête dans un verre d'eau ? Ce serait le cas même si on est littéralement abruti par toute une littérature de slogans vains déversée sur les citoyens à propos d'une Révolution, qui n'a pas jusque-là tenu ses promesses. Il va sans dire que l'évasion de Saida Agrebi et la libération de Béchir Takkari ont provoqué un tollé dans toutes les franges de la société et ont eu l'effet de la goutte d'eau qui fait déborder le vase. La Haute instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la Révolution qui a dépêché une commission de huit membres pour aller rencontrer les ministres de l'Intérieur et de la Justice et invité le ‘'groupe des 25'' ne semble pas en être moins consciente. A commencer par le rapport donné par la commission suite à leur visite au ministère de l'Intérieur en date du 9 août, là où ils ont rencontré Habib Essid et Lazhar Akremi. Selon le rapporteur de la Haute instance Massoud Romdhani, le Ministre de l'Intérieur a affirmé qu'il ne peut qu'appliquer la loi en toutes circonstances, notamment en ce qui concerne l'affaire Saida Agrebi où les agents de l'ordre ne pouvaient l'arrêter vu que le juge d'instruction n'avait pas donné son mot d'ordre. Pour ce qui est de la situation sécuritaire et de la nonchalance apathique des agents de l'ordre à Metaloui, Jbeniana et au cinéma AfricAr't, le ministre a expliqué que les choses changeront avec le dialogue et les solutions politiques. Cela n'empêche l'effet surprise était difficilement gérable par les agents de l'ordre dans ces affaires citées, selon le ministre qui a avoué, par ailleurs, que le corps sécuritaire fonctionne avec moins de détermination, en invoquant le cas de la quasi absence des rondes de la police. Selon lui les augmentations salariales à raison de 120DT et les promotions qu'ont obtenues les agents de l'ordre (concernant 90%) n'était pas suffisantes pour retrouver l'ordre des choses. Les agents de l'ordre sont en effet, lésés du fait qu'ils sont accusés de toutes les tares que lui a collées l'ancien régime. Cela dit les formations de recyclage sont au programme du ministère de l'Intérieur qui amènera les agents de l'ordre à ne plus violenter les citoyens en état d'arrestation, pendant les enquêtes policières. Des dépassements étant enregistrés en ce sens après la Révolution. «Le gouvernement ment» Place par la suite à ce cénacle très select d'avocats composé du gratin des avocats (pour le moins non corrompus) à l'exemple de Abdessattar Ben Moussa l'ancien bâtonnier, Abderraouf Ayadi, Saida Garrache, Mohamed Salah Meddeb, Hafedh Briki, et bien de jeunes avocats non moins intègres. Selon Amor Safraoui, le coordinateur du groupe, « les avocats du groupe qui ont été au tout début lassés par la lenteur des procédures se sont rendus compte qu'il est plutôt question d'anormalité dans le traitement des dossiers. On est désabusé également par le fait que les symboles de la dictature circulent en toute impunité dans le pays et dégoûtés encore par le fait que certains parmi eux surfent sur la vague de la Révolution et font écouter leurs voix dans les médias. 40 plaintes ont été déposées en ce sens. » Notre interlocuteur a montré également que le gouvernement n'a pas répondu positivement à la création d'un tribunal de transition qui tranchera dans les affaires des symboles de la dictature, encore moins à charger un comité qui s'attèlera à la présentation de la liste des corrompus entre avocats et juges. Dans ce même ordre d'idée, Anouar Basti membre du groupe n'ayant pas également la langue dans la poche a déclaré que le « gouvernement, juridiquement parlant, ment». Il a expliqué que selon le rapport de la commission de la Haute instance, le ministre de la Justice a signalé qu'il récolte des informations à partir des coupons de presse pour engager des procédures judicaires à l'encontre de ceux qui ont commis des actes punissables. « Le ministre est passé à côté de trois grands dossiers ayant fait beaucoup de bruit dans la presse, dont les déclarations faites par le ministre de la Jeunesse sur le détournement de l'argent du jeu ‘'promosport'', ou celles de la présidente de la cours des comptes qui a annoncé qu'elle détient tous les dossiers de corruption et de malversation, ou encore l'affaire de la télévision nationale dont des responsables seraient coupables de 131 infractions. » dit-il en ajoutant « Il parait presque évident, par ailleurs, que le fait de charger un seul juge d'instruction pour 200 affaires ne peut que provoquer une lenteur dans les procédures. Et le fait de le muter vers Ben Arous à 8 km de Tunis va encore plus compliquer la situation.» explique-t-il. Réforme du système judiciaire Tout laisse croire que la réforme du système judiciaire est un long cheminement semé d'embûches. Cette fois-ci on ne prendra pas au mot les propos du ministre de la Justice qui a déclaré à la commission de la Haute instance que « nos juges agissent en toute conscience ». Lazhar Chebbi Karoui a expliqué que la réforme du système judiciaire requiert beaucoup de moyens financiers et logistiques puisqu'ils ne sont actuellement que 1800 juges qui exercent dans 11 à 15 bureaux d'instruction. Ces nombres seront revus à la hausse puisque le nombre des juges sera doublé et le nombre de ces dits bureau augmentera d'ici le mois de septembre pour arriver à 23. Toujours selon le ministre de la Justice les solutions répressives comme la traduction de certains juges au conseil de discipline prend beaucoup de temps et c'est la raison pour laquelle il a opté pour une autre solution qui consiste à s'attaquer au maillon donneur d'instructions. Pour Anouar Basti « Ce n'est pas une question de moyens car il est des solutions qui nous feraient éviter le gâchis comme par exemple l'élection par les juges eux-mêmes d'un ‘'Haut comité des juges''. Il faut également écarter carrément les corrompus et les exécuteurs d'instruction. Les déclasser d'un rang, au moins. »dit-il. D'ici là ‘'la formule indépendance de la justice'' continuera à faire l'objet d'anecdotes cocasses. A l'exemple de celle où « Moubarak demande à ce qu'il soit jugé en Tunisie. Il y serait acquitté au plutôt. » C'est dire le crédit porté par un très grand nombre de gens à cette supercherie.