Par Khaled GUEZMIR – Les Tunisiens et les Arabes qui regardent les télés du monde entier, souvent, pour se faire leurs propres opinions en s'appuyant sur la comparaison, commencent à comprendre en fait, les véritables mécanismes qui font évoluer le monde, surtout au niveau de la prise de décision internationale. Voyons tout cela de plus près. Qu'est-ce qui pousse, par exemple, l'Iran à demander à l'Arabie Saoudite, d'extrader Ben Ali ou le juger selon la « Chariaâ », alors qu'elle considère Bachar Al Assad, le bourreau de Deraâ et Hama comme une « victime » qui lutte légitimement contre un « complot » (encore un... !) américano-sioniste ! Un haut responsable iranien vient de déclarer, juste hier, à l'annonce d'une vingtaine de morts parmi les civils à Lattaquié, tombés sous les balles de l'armée « glorieuse » de Bachar, que ce qui se passe en Syrie « est une affaire intérieure » (sic). Il suffit, à ce propos, de comparer la position turque et le « dernier » avertissement envoyé par Erdogan à son ancien allié syrien pour comprendre comment même entre « alliés » d'hier, les intérêts changent. Ceci ne doit pas occulter les étapes de l'évolution des systèmes politiques dans des pays comme la Turquie et l'Iran. La première est une démocratie qui atteint presque le standard occidental américano-européen qui est, jusqu'à nouvel ordre et jusqu'à preuve du contraire le modèle démocratique « universel ». Le second, est encore au stade de ce que les politistes appellent les « démocraties sous tutelle » et pour ce cas spécifique la tutelle du religieux sur la vie civile parce qu'il met toute la société sous contrôle. L'Iran a peur de perdre un « allié » sûr dans la course à l'hégémonie militaire dans la région, mais ce qu'elle ne veut pas comprendre c'est que les peuples ont leur mot à dire et que « son allié », est, de fait, atteint d'une maladie incurable qui s'appelle l'absolutisme et que le peuple syrien, révolté, rejette définitivement. Si dans ce sillage on peut à la limite comprendre la Chine qui fait semblant de dormir ou comme le disait si bien Napoléon « laissez dormir la Chine », on ne peut que s'étonner de la position de la Russie qui s'acharne à traîner les canards boiteux du monde arabo-musulman… hier, c'était le régime de Kadhafi, aujourd'hui, c'est le régime de Bachar Al Assad. A notre connaissance, la Russie a bien fait, après la Perestroïka de Gorbatchev et la révolution de Boris Eltsine, un choix irréversible vers la démocratie politique. Elle est pratiquement « membre » associé de l'Otan et s'annonce grâce à ses relations stratégiques avec l'Allemagne d'Angela Merkel, comme futur pôle européen de premier plan. On se demande, alors, pourquoi elle vole au secours de régimes totalitaires d'une autre époque qui s'approprient les Etats à titre personnel et qui lancent leurs blindés contre les manifestants civils désarmés, qui osent s'y opposer. L'intérêt réel et futur de la Russie dans la zone arabe et musulmane est-il de maintenir ces dictatures corrompues ou de participer même en étant « neutre », au moins, à la libération de ces peuples qui seront demain de meilleurs alliés. Nous disons cela en toute modestie et respectueusement au président Medvedev et à son ministre des Affaires étrangères, M. Serguei Lavrov, parce que nous aimons la Russie, son histoire, son patrimoine culturel immense et son peuple brave et courageux, comme les peuples arabes, en ce moment. M.Medvedev ira-t-il jusqu'à nier Dostoïevski, Pouchkine et autre Soljenitsyne, ces grands maîtres de la pensée et de la liberté russes et universelles pour s'abonner au Livre vert de Kadhafi ou au journal du Baâth… Bien sûr que, non et non…M. Medvedev a beaucoup plus et mieux à faire : secourir plutôt le peuple syrien et ses élites qui affrontent un des plus grands paradoxes des guerres arabes modernes… leur propre armée !