Ennahdha crée la surprise. Le parti de Rached Ghannouchi qui a toujours crée l'évènement a cette fois-ci laissé pantois les détracteurs d'un islamisme rampant, sclérosé et rigide. Hier lors du meeting organisé pour l'exposition de son programme économique et social le parti de Rached Ghannouchi a montré que les temps sont venus pour qu'on batte en brèche des idées reçues qui ont la vie dure et qu'on arrête une bonne fois pour toute de les couler dans des moules préfabriqués les nahdhaouis. Abou Yarab Marzouki le philosophe et universitaire émérite entré dans les rangs nahdhaouis dernièrement n'en est pas moins conscient « Qu'est-ce qu'il y a d'islamiste dans ce programme » dit-il en continuant « A mon sens, cela reflète l'esprit réformateur du monde islamique qui renoue avec l'Homme et le considère en tant que tel dans la sphère politique économique et sociale. » Pour commencer il y a lieu de remarquer qu'Ennahdha a cette fois-ci fait les choses dans le professionnalisme. Le programme sur lequel le parti et ses décideurs ont planché depuis le mois d'avril écoulé est fin prêt et il n'a rien d'islamiste si ce n'est que des valeurs humaines prônées par l'Islam et qui sont par ailleurs des valeurs universelles qui donnent à tout un chacun ce qui lui revient de droit. Le seul hic est la teneur de l'article 16 du parti, ayant sauté dans la traduction française du programme et qui dit que le parti de Rached Ghannouchi « va remédier aux problèmes du mariage tardif. » « Ce serait une manière d'introduire la polygamie dans le pays » disent les uns « Rien de cela, rétorquent les autres « puisque le parti s'est dit jusque-là civil et que l'application de la Chariâa n'est pas dans ses intentions. ». Quoi qu'il en soit, le parti a jusque-là présenté un programme en 365 articles touchant à tous les domaines de la vie entre politique, social et économique. Ceux qui l'ont présenté ? Ce sont des leaders du parti de la trempe de Hamadi Jébali et Noureddine B'hiri qui étaient hier au devant de la scène pour décliner les différents volets du programme en brossant un tableau réaliste de la situation actuelle, à partir de laquelle des solutions ont été envisagées et seront mises en pratique d'ici l'an 2O16. Et le cheikh dites-vous ? Et bien il y était. Toujours en haut de l'affiche. Rached Ghannouchi répondant de bonne grâce à l'image du chef historique d'un parti islamique lorgnant davantage la vision moderne de la religion où l'Islam constitue un référentiel fondamental et modéré. « Ceux qui ont toujours dit que les Nahdhaouis ne peuvent que présenter un programme simpliste peuvent s'assurer que le nôtre répond aux attentes des uns et des autres et aux exigences de l'au-delà. » dit-il. Sur la tribune la présence de deux femmes ne passait pas inaperçue. L'une est voilée, Farida Abidi membre du bureau exécutif du parti et Souad Abderrahim une femme non voilée, propulsée au devant de la scène d'un parti islamiste, et excusez le peu, figurant en tête de liste dans la circonscription de Tunis II. Un clin d'œil à la Révolution libyenne et à la cause palestinienne ne sont pas en reste, puisque le parti convie Meftah Abdelhamid membre de « la coalition du 17 février de Mosrata » qui a donné une communication assez élogieuse et quelque peu ‘'démagogique'' sur les orientations d'Ennahdha et son projet avenir. Renchérir sur un peu trop de sentiments ce n'est pas si vain puisque les allocutions des uns et des autres s'imprégnaient de formules qui ont fait leur écho dans la salle et se sont traduites par des déluges d'applaudissements. « Nous sommes pour la réconciliation nationale. Nous faisons fi des querelles idéologiques entre les différentes parties. » avance Cheikh Rached qui fait comprendre, à qui le souhaite bien que les temps ne sont plus aux querelles idéologiques entre les différentes parties et que seul la réussite de cette étape transitoire ce qui leur tient à cœur. Et du cœur les Nahdhaoui en ont. Preuve en est, Ridha Saidi membre du parti ayant suivi de près l'élaboration du programme économique d'Ennahdha aurait commencé son élaboration depuis qu'il était en prison dans les geôles de la honte de Ben Ali. Comme quoi, « patience et longueur du temps font plus que force ni que rage ». Et c'est au sens du verset du Coran qui dit « Et annonce la bonne nouvelle à ceux qui font preuve de patience. ». On attend encore...le verdict des urnes. Mona BEN GAMRA
Les grandes lignes du programme nahdhaoui Un régime parlementaire Pour ce qui est du régime politique Ennahdha propose la mise en place d'un régime parlementaire qui « remet le pouvoir au peuple qui l'exerce directement ou à travers ses représentants au sein du conseil élu. Le gouvernement fondé sur un exécutif responsable devant le parlement, lequel élit le président de la République. Etendre le recours aux élections pour les postes de responsabilité et donner des prérogatives plus larges aux conseils régionaux élus. Le multipartisme, l'indépendance de la justice et l'alternance pacifique au pouvoir Créer une cour suprême constitutionnelle qui contrôle des lois. Garantir l'indépendance de la Cour des comptes et activer son rôle dans le contrôle. Appuyer l'armée nationale avec les moyens matériels et humains nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Volet économique et social Ennahdha est pour un modèle de développement qui puisse, (à titre indicatif) Renforcer les investissements et les échanges commerciaux avec les pays arabes tout en s'ouvrant sur les marchés africains. Diversifier les produits et sources de financement notamment ceux de la finance islamique. Réviser le découpage administratif actuel et étudier la possibilité de créer des districts de développement régional intégrant des pôles économiques et tenant compte des spécificités des régions pour une meilleure complémentarité entre celles-ci. Réaliser un taux de croissance annuel de 7% sur toute la période 2012-2016, permettant de passer en 2016 à un revenu national disponible par habitant de 10000 dinars contre 6300 dinars en 2011. Créer environ 590 mille emplois au cours du prochain quinquennat, ramenant ainsi le taux de chômage de 14,4% en 2011 à environ 8,5% à l'horizon 2016. Cibler un taux d'investissement de 31% du PIB en 2016 contre 25% en 2011. Contenir un taux d'inflation dans la limite de 3% en 2016 contre 5,5% en 2011. Politique fiscale Elargir la tranche des revenus exonérés de l'impôt sur les personnes physiques de 1500 à 2500 dinars et augmenter les déductions communes au titre de chef de famille de 150 à 300 dinars, de 150 dinars pour tout enfant à charge au lieu d'un maximum de 90 et de 150 à 300 dinars pour tout parent à charge. Simplifier les conditions de restitution des reports en matière de TVA.