Par Khaled GUEZMIR - Ali Abdallah Salah, président du Yémen tel Saint Antoine, a plus d'une tentation et de revirements. Après avoir échappé miraculeusement à un attentat et après un séjour en Arabie Saoudite pour traiter des brûlures au 2ème degré, le revoilà à nouveau à Sanaâ plus déterminé que jamais à accomplir le reste de son œuvre macabre et du chemin qui le sépare de Kadhafi, à Bachar Al Assad ! En effet, après avoir expérimenté sans succès la méthode du « Caïd libyen » pour faire taire la contestation au début très pacifique de la jeunesse yéménite, voilà qu'il est à nouveau sur le front pour écraser dans le sang l'insurrection de son peuple. Il faut dire que l'exemple syrien l'inspire au plus haut point. On agite à nouveau le concept de la « rébellion » armée de certains dissidents « minoritaires », on envoie les blindés sur les populations des villes et on se fait « plaisir » en voyant les victimes tombées par dizaines chaque jour. Là encore, Ali Abdallah Salah comme son collègue de Damas, profite de l'immobilisme régional et international. Au niveau régional la peur bleue des pays membres du Conseil arabe du Golfe, de tout changement « révolutionnaire » qui pourrait mettre en cause leurs propres systèmes sclérosés par des décennies d'immobilisme politique et institutionnel. C'est ce qu'on appelle doctement « stabilité », et ce, malgré l'évolution des ressources financières, la prospérité du fait des investissements pétroliers et le développement des ressources humaines non négligeable. Je me rappelle de ce jour d'hiver 1981, lors d'une visite à l'université de Berkeley, aux Etats-Unis d'Amérique, en Californie, où je me suis lié d'amitié avec un jeune homme saoudien qui préparait son P.H.D (Doctorat d'Etat) à l'allure impeccable, un anglais qui ferait plaisir à la Reine Elizabeth II d'Angleterre, elle-même, et une ouverture d'esprit remarquable. Mais quand je lui demandais pourquoi les élites comme lui, une fois rentrées au pays n'essayaient même pas de réformer la société et les institutions… Sa réponse a été nette… « Attention le Maghrébin, vous touchez là… la ligne rouge », pour ajouter : « notre société doit évoluer économiquement comme l'Occident… mais nous sommes en milieu tribal et seule la tradition et son respect systématique nous unit, et permet la pérennité du pouvoir central » ! Voilà ce qui explique en grande partie, les conclusions du politiste Gabriel Almond qui affirme que l'attachement excessif à la « tradition » empêche l'évolution démocratique des systèmes politiques arabes et musulmans et au théoricien américain d'insister sur la rationalisation de la religion et la différenciation structurelle ou le développement de la pluralité politique et sociale, si l'on veut faire évoluer ces régimes vers la démocratie. L'équation comme vous le voyez est par conséquent très problématique parce que les systèmes actuels s'accrochent à ce qu'ils considèrent comme le premier « ciment » social : la Tradition. Conséquence, les régimes politiques, surtout dans l'Orient arabe, font du surplace. Ali Abdallah Salah profite, donc, de la rétention régionale l'hésitation pour ne pas dire le refus de faire évoluer les systèmes malgré l'élargissement des élites modernisatrices, le développement économique et la prospérité incontestable des nouvelles classes moyennes. Il joue aussi sur le blocage international et la pesanteur des mécanismes décisionnels de l'ONU. Une fois c'est l'Amérique qui bloque à cause des intérêts israéliens qui ne sont pas loin de préférer, le statu quo « misérable » des Arabes à leur évolution vers la démocratie. Une fois, c'est la Russie qui bloque en tenant à défendre et protéger des systèmes despotiques mais bons clients de sa « ferraille » meurtrière. Quant à la Chine, c'est le silence énigmatique qui prend de la voix une fois le résultat acquis sur le terrain comme en Libye… Comme quoi, on ne perd rien à attendre pour se placer du côté des vainqueurs ! Bien malins, ces Chinois ! Il reste que dans tout cela, c'est les peuples arabes et musulmans qui souffrent de la conjugaison de tous ces éléments : la sclérose des systèmes, le despotisme des gouvernants et les intérêts sordides des puissances de ce monde. Ali Abdallah Salah a encore de « beaux » jours devant lui pour mettre à genoux son peuple et massacrer ses élites à moins que ces combattants pour la liberté aguerris par tant de lâchetés régionales et internationales finissent par renvoyer à nouveau ce tyran là où la clémence de Dieu pourrait encore s'exercer pour lui pardonner ses crimes !