Par Ahmed NEMLAGHI - Jamais le tribunal administratif tunisien n'a eu à connaître auparavant et depuis sa création des litiges électoraux, dans une conjoncture, où les acteurs politiques, quelles que soient leurs tendances, sont motivés pour agir conformément aux principes de la démocratie et décidés à combattre toute forme d'oppression et d'exclusion. Durant les deux régimes révolus, sous Bourguiba, comme sous Ben Ali, personne ne pouvait se hasarder à formuler n'importe quel recours contre les résultats électoraux, toujours favorables au parti unique et à son chef suprême qui est lui- même le chef de l'Etat. Quelqu'un en avait-il l'audace de le faire qu'il se voyait empêché aux moyens de subterfuges divers, et de pressions de toutes sortes, afin de finir par renoncer à son recours ou à le retirer s'il l'avait déjà engagé. Sur le plan juridique, il n'y avait aucune loi précise et explicite, hormis les principes généraux de droit, et le code électoral, créé en 1969, et dont certains articles ont été plusieurs fois amendés en fonction de la conjoncture sociale et politique du moment, aussi bien par Bourguiba que par Ben Ali. Au début des années 1980, et après les évènements sanglants du jeudi 26 janvier 1978, connu sous le nom de « jeudi noir » un semblant d'ouverture a été institué en ouvrant la voie au au multipartisme. Mais c'était purement formel, la réalité étant que seul le parti au pouvoir avait voix au chapitre. En tout état de cause, il n'y avait pas de jurisprudence administrative intéressante dans le domaine électoral. Il y a eu des recours lors des élections municipales en vertu dudit code. Cependant, il y avait surtout des décisions de rejet qui étaient surtout fondées sur le vice de procédure. Il n'est pas exclu qu'avec le nouveau décret-loi électoral, n°35 du 10 mai 2011, que les requérants puissent se retrouver devant des problèmes de procédure. En effet sur les 104 recours électoraux présentés dernièrement devant le tribunal administratif, plusieurs affaires risquent d'être rejetées pour vice de forme, ne serait-ce que concernant la procédure consistant à relever les infractions. Les requérants sont tenus de procéder à cet effet par exploit d'huissier de justice, et de recourir à un avocat inscrit près la cour de cassation. Ne serait-ce que pour le manquement à ces deux obligations, les recours peuvent être rejetés pour vice de forme. Il y a également des recours qui sont exercés à l'égard de l'ISIE, ou l'IRIE (Instance Régionale Supérieure Indépendante pour les Elections) pour des erreurs manifestes de nature à induire l'électeur en erreur, par de faux logos par exemple, ou encore certaines erreurs existant dans les numéros des listes sur les bulletins de vote : Des numéros appartenant à des listes ont été faussement attribués à d'autres listes. Quant aux recours intentés directement contre des listes ou des têtes de listes, les raisons sont multiples et sont juridiquement fondés. Tels que le fait pour un candidat et tête de liste de surcroît, d'avoir fait partie des « Mounachidoun (ceux qui ont appelé Ben Ali à se porter candidat aux élections présidentielles. Quoi qu'il en soit, il apparaîtrait que d'ores et déjà, 24 recours seront rejetés pour vice de forme, l'ISIE déclarant qu'ils ne lui ont pas été signifiés par la voie légale, comme l'exige le décret-loi précité. Pour le reste des recours, les requérants sont confiants que justice leur sera rendue, la procédure ayant été respectée à la lettre par leur avocats, inscrits à la cour de cassation, tel qu'exigé par le décret-loi du 10 mai 2011. Ce qui nous amène à affirmer qu'une nouvelle jurisprudence administrative en matière électorale évoluera positivement dans la voie de la transition démocratique, et de la consolidation des droits de l'Homme.