Des pluies torrentielles, une poussée sans précédent de testostérone chez certains de nos compatriotes, des tractations à n'en plus finir en cette 21ième heure du cinquième jour de la deuxième semaine post-trauma pour le camp des perdants et de l'ère nouvelle pour ceux qui s'y voient déjà. Hasard de l'histoire ou malédiction divine c'est selon, en Novembre 1969, et en concomitance avec les élections qui avaient conduit la Tunisie entière à reconduire « unanimement » Bourguiba pour un troisième mandat, la région de Kairouan a connu les pires inondations de son histoire, avec son lot de morts et de désolation. Une Tunisie sonnée, désemparée, tournait alors la page de collectivisation en s'interrogeant sur son avenir assombri par la santé précaire d'un président qui quittera le pays pour se soigner huit mois durant à l'étranger. Quarante-deux ans plus tard voilà que l'histoire, le pays a de nouveau droit à des inondations consécutives à des élections, considérées comme quasi exemplaires par la presse internationale, une entourloupe par les « ronchons » de la gauche et un sacre pour les vainqueurs dont la pondération du discours rappelle le Mahatma Ghandi dans ses plus belles heures. Les modernistes mal « attentionnés » ont beau chercher une faille dans les prestations télé du « guide de la Révolution », rien n'y fait, cohérence, retenue, sourire avenant, on ne la fait plus à un vieux routier de la politique. Loin de Qatar et de ses miroirs équivoques, ici et maintenant à Dahmeni, Medjez el beb, Ejjdaida, el Battan, Zaghouan, des centaines de familles ne possédant presque rien souffrent d'avoir tout perdu. Les pluies diluviennes ont tout emporté sur leur chemin. Impuissantes, se sentant abandonnées, des femmes crient leur détresse devant les micros d'une télé dont la délectation devant le spectacle de la souffrance relève de l'abjection. Révolution révolte ou insurrection, peu importe la dénomination si elle ne se traduit pas concrètement par l'accession des laissés pour compte du « Miracle tunisien » à la dignité au fondement de la citoyenneté. De citoyenneté, il en a été souvent question cette semaine, à l'occasion d'incidents perpétrés par des groupuscules d'illuminés dont la libido s'est débridée sans crier gare partis en guerre sainte contre les jupes, les filles non voilées, et les statues exposées. Cette poussée libidinale que ces fondamentalistes ne sauraient plus juguler a de quoi inquiéter avec l'annonce de l'arrivée du Viagra dans nos contrées. La levée de boucliers contre ces actes ne s'est pas faite attendre, la Tunisie est vigilante et fière de ses acquis. Il faudra s'y habituer n'en déplaise à ceux qui se hasarderaient à vouloir enterrer vive la moitié de la société. Plus prosaïquement, après mûre réflexion, volte-face et tergiversations, le Docteur a tranché pour notre grand soulagement et celui de ses militants ballottés par des communiqués suivis de démentis et des démentis et des démentis des démentis. Décision politique légitime de s'allier aux victorieux, lisible depuis des mois mais autour de laquelle on s'est livré à des contorsions pathétiques. Plus grave on en arrive à la culpabilisation de ceux qui ont refusé par principe de faire part d'un gouvernement politique que l'on veut nous vendre comme un gouvernement d'intérêt national. Problème de riches qui ne doit pas nous faire perdre l'essentiel, les idéaux de dignité et de liberté pour lesquels nos compatriotes ont donné leur vie.