Le répertoire livresque tunisien ne cesse, ces derniers temps, de s'enrichir par la parution d'ouvrages à caractère historique. « Moncef Mestiri-Aux sources du Destour » en fait partie dans la mesure où il reprend le parcours de l'une des figures politiques tunisiennes qui a marqué le siècle précédent. Il s'agit bel et bien d'une biographie écrite par le neveu du protagoniste de l'ouvrage en question, Saïd Mistiri. Tout au long des 337 pages, l'auteur jette un regard rétrospectif sur le passé familial et politique de son oncle, tout en rapportant sur un ton si particulier, saupoudré de vivacité stylistique des faits divers, des anecdotes et des événements dont il a été lui-même le témoin ou un simple rapporteur. En biographiste avéré, Saïd Mistiri illustre son récit par des témoignages, des documents et, notamment, des photos de sa famille, de plusieurs personnalités politiques ainsi que celle de Moncef Bey. Avouer au lecteur, dans le prologue, qu'il est difficile d'être à la fois partisan de l'histoire relatée et auteur objectif ne diminue en rien la valeur analytique du livre. Il explicite ce double rôle embarrassant pour lui en ces termes: «En fait, ce qui à mes yeux, semblait redoutable encore, était que cette situation risquait d'engendrer une dérive (...), celle de me voir substituer mon propre personnage à celui de Moncef Mestiri, celle de raconter ma vie propre, à travers mon appréciation personnelle des événements et des hommes ». Au cours des 13 chapitres, l'auteur cherche à cerner les contours du profil de Moncef Mistiri imprégné d'une formation zitounienne et d'une poignée de politiciens de l'époque, divisés le 2 mars 1934, en deux clans, au sein du parti "el Destour", et dont la vision et la démarche sont différentes. La scission du parti en "Vieux-Destour" auquel appartient Moncef Mestiri et le "Néo-Destour" représentant l'aile moderniste fondé par Bourguiba, Tahar Sfar ainsi que d'autres militants. Bien de sujets sont évoqués tels que les événements du 9 avril 1938 , le règne des Moncef Bey, l'autonomie interne de la Tunisie, l'attitude de Moncef Mestiri vis-à-vis du ministère de Chenik et l'opposition politique après l'indépendance, illustrés tous par toutes sortes de documents, parmi lesquels, à la fin de l'ouvrage, des articles journalistiques parus respectivement au journal :''al-Siyâsa'', ''IFRIKIA'',''al Irâda ‘'(la volonté) dont il était le directeur. De même qu'une lettre rédigée à l'intention de son ami Hassine, dans laquelle il déplore la censure et la dégradation du journalisme après la suspension de son journal ‘'al Irâda'' en 1934. Outre ce document, il y a l'insertion d'un article de Moncef Mestiri paru dans le n°48 du journal "al Istiqlâl" le 21 septembre 1956. Quels que soient le degré de la neutralité et la distanciation qu'a pris le biographiste par rapport au cursus politico-familial de son oncle, l'œuvre ne pourra pas vous laisser indifférent quant à un pan crucial de l'histoire de la Tunisie! Dorsaf keraâni
« Moncef Mestiri-Aux sources du Destour » de Said Mestiri, Sud Editions, avril 2011 Tunis, 364 pages.