Bulla Regia. Dans les parages du site archéologique situé dans les environs de la ville de Jendouba, on aurait plutôt tendance à prononcer Bella Regia. Et cela se comprend : ce site, tapi au pied d'un jebel en forme de patate pelée et, hélas ! rongé par une carrière des plus malfaisantes, est assurément l'un des plus beaux de l'Antiquité romaine de Tunisie. Et des plus singuliers aussi. Mais également l'un des plus connus, des moins bien signalés et des plus mal soignés. Pour toutes ces raisons, la parution d'un ouvrage à lui consacré est un événement qu'il y a lieu de saluer avec une chaleur toute particulière. Notre enthousiasme est d'autant plus fort que l'initiative est due à un particulier, pour son propre compte et qu'elle est fort bien réussie. Cerise sur le gâteau : l'auteur, conservateur du site, est natif de la région dont il a une connaissance intime qui l'autorise à l'aborder de l'intérieur de ses réalités physiques et humaines, et qui, conjuguée à son savoir de scientifique, jette sur l'objet un éclairage particulièrement pertinent. A compte d'auteur, donc, ce volume de 136 pages a été remarquablement servi par les ateliers de Simpact qui en ont assuré la mise en page et l'impression dans leur plus pure tradition de créativité et de qualité. Ils ont su donner un éclat et un relief particuliers aux clichés de Salah Jabeur qui a trouvé dans le sujet matière à déploiement de son talent unanimement consacré. Mais revenons à Bulla Regia. Bulla la Royale, sous-titre l'auteur. En effet, telle est le sens de l'appellation romaine de cette cité dont le passé nous est assez mal connu. Bulla est son nom d'origine, un toponyme berbère dont on ne connaît plus le sens. Royale, parce qu'on la soupçonne d'avoir été, au cours de cette période transitoire entre la chute de l'«empire» carthaginois et la mainmise totale de Rome sur l'Afrique, la capitale d'une principauté numide. L'ouvrage s'ouvre sur une introduction au site et à la région de la moyenne vallée de la Méjerda, avant de procéder à une présentation globale du site et ses principales caractéristiques, ainsi qu'à une lecture de son passé à travers les découvertes effectuées sur place ou les textes anciens et contemporains. La plus grande partie du volume est consacrée à une visite systématique de tous les monuments dégagés et identifiés, une cinquantaine en tout, sachant que la plus grande partie du site est encore sous les remblais. Edifice par édifice, ils sont présentés, décrits et analysés et leur emplacement situé sur un plan en fin d'ouvrage. L'ambition de l'auteur est de satisfaire en même temps la curiosité des spécialistes et celle du grand public. On dira que l'effort est globalement réussi. M. Chaouali retiendra l'attention du plus grand nombre par son approche simple, parfois anecdotique tout en étant rigoureuse. Le luxe de détails techniques lorsqu'il s'agit de la description des monuments sera compensé pour le lecteur profane par la beauté des photos, schémas et croquis qui l'accompagnent. L'adage veut que la perfection ne soit pas de ce monde. Il en est de même dans le cas d'espèce. La clarté du plan, la consistance du texte, la beauté des illustrations, la perfection de la maquette et de l'impression n'ont fait que ressortir avec d'autant plus de relief les coquilles qui se sont insinuées ici ou là, y compris dans la quatrième page de couverture (« Bulla fondée … à une date antérieure au IV° siècle. » Avant ou après JC ? ) C'est dommage, mais c'est secondaire au regard de tout le reste. Notons enfin que l'ouvrage est bilingue, le texte français étant accompagné d'une traduction en langue anglaise.