Après une première conférence tenue au Caire en Egypte, et avant de mettre le cap sur Casa au Maroc, la Banque Européenne de Reconstruction et de Développement (BERD), vient d'organiser, en collaboration avec l'UTICA (Union Tunisienne de l'Industrie du Commerce et de l'Artisanat), le CJD (Centre de Jeunes Dirigeants), et le Centre de Marseille pour l'Intégration en Méditerranée, une conférence ayant pour thème « Favoriser la Croissance et l'Investissement pendant la Transition ». L'objectif de cette organisation n'est pas en effet celui « de proposer ou de parachuter par la BERD un modèle de développement préparé à l'avance, mais il s'agit plutôt de discuter avec les responsables et les représentants du secteur privé tunisiens les meilleurs modèles à suivre. Notre expérience dans les pays ayant connu des périodes de transition peut être d'un grand apport, mais ce qui se passe actuellement en Tunisie ne ressemble pas à ce qui s'était passé dans les pays de l'Europe de l'Est dans les années 1990 par exemple, c'est pour cela que nous nous attendons à recevoir de la part des différents acteurs tunisiens les meilleures proposition sur ce que nous pouvons accomplir ensemble dans votre pays », nous a confié Erik Berglof, Chief Economist et conseiller spécial auprès du président de la BERD. Organiser cette conférence tient de la conviction que l'initiative d'une « transition à l'autre », est un cadre dans lequel la BERD « peut faciliter les échanges en matière de transition et de réformes entre les actuels pays d'opérations de la Banque et ceux de la patrie méridionale et orientale du Bassin Méditerranéen ». Ainsi, on insiste encore davantage que l'objet de cette réunion est surtout de mieux comprendre les priorités à court et moyen termes pour la Tunisie « tout particulièrement en ce qui concerne le secteur privé, en permettant à des experts du privé et du public, venus de Tunisie et de l'étranger, notamment de l'Europe centrale et orientale et de Turquie de partager leurs expériences de réformes ». C'est ce qui explique la présence notoire d'Ivan Miklos, Vice-Premier ministre de la République slovaque et Bozidar Djelic, vice-Premier ministre de la Serbie qui ont pu exposer les expériences respectives de leurs deux pays en présence de Béji Caïd Essebsi, Premier ministre du gouvernement de gestion des affaires courantes. Les travaux de cette journée se sont poursuivis en forme d'ateliers de travail (fermés aux journalistes), et qui devront aborder différents thèmes. On y discutera notamment de la « Promotion de la croissance et de l'emploi par le développement des PME », étant donné que même si les PME aient contribué à hauteur de 74,5% du PIB de la Tunisie (en 2009), et représentent les deux tiers de l'emploi dans le pays, elles n'ont pas encore réalisé leur plein potentiel pour ce qui est de générer et de maintenir une croissance inclusive en Tunisie, dans la mesure où l'accès aux financements privés reste un défi majeur à relever pour les PME ». Aussi, devrait-on discuter de l'Investissement dans la sécurité alimentaire et notamment comment transformer les contraintes en opportunités ». S'agissant là d'un secteur où la Tunisie est connue comme un importateur de blé et enregistre la plus forte consommation de blé par habitant dans la région de l'Afrique du Nord « des subventions aux moyens de production et de mécanismes de contrôle des prix sont en place dans le secteur céréalier, qui dépend étroitement des aides gouvernementales ». On essaiera donc de trouver des réponses à des interrogations sur la capacité du secteur privé à soutenir la libéralisation du secteur agricole afin de renforcer la productivité et l'efficacité et réduire cette dépendance vis-à-vis de l'Etat ? Ou encore comment améliorer l'accès au financement en accroissant les options de constitution de garantie ? On évoquera aussi, et ce dans le troisième atelier, « la préparation de l'avenir par une gestion durable de l'énergie ». Car, on est conscient du fait que « malgré l'augmentation de la demande de l'énergie qui accompagne l'industrialisation et la demande des consommateurs, la Tunisie reste cependant tributaire des importations afin de répondre à ses besoins énergétiques ». Accorder toute une séance de travail pour traiter de ce thème bien particulier émane aussi de la conscience du fait « qu'à l'heure actuelle, les importations tunisiennes d'énergie représentent près du quart des besoins, un chiffre qui devra connaître une croissance substantielle avec l'accroissement de l'industrialisation et de la consommation ». Ceci étant tout en relevant aussi que « la Tunisie connaît des difficultés particulières en matière de développement de ses propres ressources » et que « si la Tunisie veut répondre à la demande croissante d'énergie, de nouveaux investissements dans les sources d'énergie renouvelable sont nécessaires, tout comme le développement d'un mécanisme de soutien financier transparent qui permettra au pays d'atteindre ses objectifs d'énergie durable ». Un autre important atelier c'est celui qui a traité de l'Amélioration de la compétitivité par l'innovation. Parmi les recommandations à attendre de cet atelier c'est celle de « poursuivre le passage d'une structure de production à faible valeur ajoutée et à bas coûts à une économie à forte valeur ajoutée, axée sur le savoir. Pour atteindre cette fin, le climat des affaires doit s'améliorer pour renforcer la compétitivité de l'économie. Investir dans le capital humain, développer les groupements technologiques et les pépinières d'entreprises ainsi que les infrastructures soutien seront les éléments nécessaires pour l'attraction des investisseurs ‘dés maintenant' pour être compétitif dans une économie mondiale orientée de plus en plus vers l'innovation ». « Nous avons une idée globale sur ce qui pourrait être fait en Tunisie, mais nous devons aussi connaître comment et avec quels acteurs concrétiser tout cela. Les PME seront l'un des plus importants secteurs sur lesquels nous comptons nous pencher », à déclaré Erik Berglof, Chief Economist et conseiller spécial auprès du président de la BERD, au Temps. « Nous comptons sur le secteur bancaire en Tunisie qui est appelé à être encore plus concerné par ces projets. Ceci n'empêche que nous pourrons travailler directement avec certaines PME, notamment dans les secteurs de gestion des énergies et de l'eau. L'industrie agroalimentaire est à son tour un secteur dans lequel nous comptons nous investir. Nous comptons intégrer tous les acteurs de cette industrie, de l'agriculteur jusqu'au dernier commerçant et nous essayons de trouver des partenaires dans ce domaine ». La BERD, qui est l'un des plus importantes forces de frappe financière de l'Union Européenne effectue ses toutes premières opérations en dehors de l'espace Euro. La région du Maghreb et l'ensemble des pays de l'Afrique du Nord sont les zones où la BERD semble investir dans le cadre d'une politique, nouvelle, imprégnée essentiellement par le Printemps Arabe. Une enveloppe de 2 milliards d'euros est destinée pour les pays de la région (notamment le trio Tunisie, Maroc, et Egypte, ainsi que la Jordanie), elle devra être allouée au profit du secteur privé. Toutefois, le vice président de la BERD ne cache pas l'intention de collaborer avec tous les autres acteurs, notamment le secteur public.