La lettre ouverte qu'adresse Bochra Belhaj Hmida aux futurs membres du gouvernement est lourde de sens. « Vous n'êtes pas Mandela » réplique-t-elle puisque les membres d'Ennahdha se sont comparés, sur les colonnes du journal Le Monde, à l'ANC, le mouvement de Mandela, celui là même qui a eu à subir les outrances inhumaines de l'Apartheid. Nul ne niera que près de 32000 nahdhaouis ont croupi, dans des conditions, elles aussi, inhumaines et indignes de notre pays, dans les geôles de l'ancien régime. Et la persécution avait commencé déjà avec Bourguiba, avant que Rached Ghannouchi ne normalise les rapports avec Ben Ali (à la déposition de Bourguiba) normalisation qui n'aura pas trop duré et qui a tourné à une persécution pour le moins féroce. Mais il n'y a pas qu'eux. Des militants des Droits de l'Homme, d'Amnesty International, les défenseurs des idéologies contraires à celle du RCD et, surtout beaucoup, beaucoup de jeunes ont souffert le martyr. Il n'en demeure pas moins que les Nahdhaouis et tous ceux qui ont été emprisonnés, ne doivent pas faire un culte de leur calvaire. Cela pourrait être interprété comme une espèce de chantage affectif que sanctifie une légitimité, certes militante, mais qui risque d'enlever au vote du 23 octobre toute sa quintessence, toute sa dimension démocratique. Ceux qui ont voté Ennahdha ne l'ont pas fait par compassion pour les années de prison vécues par ses membres. Mais pour voir s'accomplir une démocratie islamiste, peut-être aussi un nouveau modèle de société égalitaire et libérale, même et surtout sous la bannière islamiste. Parler tout le temps de prison, c'est regarder en arrière. A la limite, on peut s'identifier à Mandela. Mais Mandela n'a jamais, mais alors jamais, parlé de ses geôles et encore moins de ses geôliers.