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« Mauvaise application des textes » 3 questions à Lassaâd Dhaouadi, fondateur de la Chambre nationale des conseils fiscaux et membre de l'Institut des avocats conseils fiscaux de France
Le Temps : Pensez-vous que certaines difficultés rencontrées par l'entreprise sont dues à la manière avec laquelle certains administrateurs appliquent les textes fiscaux ? Lassaâd Dhaouadi : L'entreprise supporte des coûts exorbitants à cause de la méconnaissance de la teneur d'une disposition fiscale par certains administrateurs du fait du manque de formation dans un domaine nécessitant une spécialisation accrue. A ce titre, nous citons le cas d'une société qui a acquis un terrain auprès d'une société, qui a reçu une notification de redressement l'appelant à payer 26 000 Dinars au titre de la plus-value immobilière qui n'est due que lorsque le terrain ne figure pas sur un bilan. Les cas de mauvaise application des textes fiscaux sont très nombreux et il nous est impossible de les énumérer dans ce cadre. Cette méconnaissance est coûteuse pour l'entreprise et vient à l'encontre de l'esprit d'entreprise et nécessite plus de réactivité de la part des services centraux, chose absente aujourd'hui. A ce titre, pourquoi l'administration n'as pas procédé à la publication de ses prises de position et de son précis comme c'est le cas en France et pourquoi elle n'a pas prévu une procédure de recours hiérarchique claire. En outre, nous constatons que l'administration soutient, devant le juge, la position de ses agents malgré qu'elle sache qu'elle est contraire à sa doctrine au moment où il sera judicieux d'émettre un arrêté de dégrèvement d'office comme c'est le cas en France.
Pensez-vous que la législation fiscale ne prend pas en considération la réalité économique ? Nous constatons que la pratique administrative et parfois la législation ne prennent pas en considération la réalité économique comme c'est le cas, à titre d'exemple, de la position administrative qui considère les cadeaux promotionnels destinés au développement du chiffre d'affaires comme étant des charges dont la déduction est plafonnée à 20 000 dinars et des gratuités au regard de la TVA avec toutes les conséquences qui en découlent. Dans le même sens, un contribuable a reçu une notification de redressement du fait que la déduction des charges relatives à la fourniture de nourriture à son personnel isolé dans des chantiers situés en plein sahara a été plafonnée à 20 000 dinars du fait que ces charges qui sont plus que nécessaires à l'exploitation ont été qualifiées à tort comme étant des frais de réception. Un cabinet de formation a rencontré la même difficulté au titre des charges de nourriture liées à l'organisation de séminaires et a été contraint à se pourvoir en justice au moment où l'administration a pris auparavant une position considérant ces charges comme étant déductibles sans plafond. De même, la non déduction du salaire du gérant majoritaire qui exerce réellement au sein de l'entreprise n'a aucun fondement logique et joue à l'encontre de l'esprit d'entreprise. Est-ce que vous pensez que les formalités fiscales occasionnent un coût très élevé pour l'entreprise ? Nous constatons que la législation fiscale est marquée par un formalisme exorbitant et coûteux qui joue à l'encontre de la compétitivité de l'entreprise et, parfois, de sa survie eu égard aux sanctions très lourdes liées au non respect d'une formalité comme c'est le cas, à titre d'exemple, pour le dépôt de l'état des avoirs, des ventes en suspension de la TVA, du dépôt de certains actes pour bénéficier de la déduction d'une charge ou d'un avantage (don, provision, réinvestissement…). L'entreprise risque de perdre la déduction de la TVA du fait que la facture ne porte pas l'une des mentions prévues par l'article 18 du code de la TVA ; alors que l'administration ne sanctionne pas l'émetteur de ces factures. Elle risque aussi de perdre une charge importante du fait qu'elle n'a pas été portée sur la déclaration de l'employeur. Généralement, le non respect de ce formalisme ne cause pas de préjudice pour l'administration ; alors que les sanctions y afférentes sont hors de proportion et risquent de compromettre la survie de l'entreprise. Il s'agit là d'un formalisme sanction. Ce formalisme aveugle a été abandonné par le Conseil d'Etat en France, et ce en application du principe de proportionnalité de la sanction par rapport à l'erreur consacré par le Cour de Justice des Communautés Européennes.