La venue d'Alain Juppé est absolument opportune. Aurait-elle été programmée pour plus tard, les nuages s'étant amoncelés sur les relations tuniso-françaises se seraient encore assombris. Que dira Juppé aux autorités tunisiennes et qu'aurons-nous à lui dire ? Déjà, il y a une plateforme favorable, discrètement préparée par Boris Boillon : le contact et la concertation avec les sensibilités politiques, y compris, bien sûr Ennahdha et cela, bien avant les élections. Béji Caïd Essebsi a été bien reçu en France et c'est cette dernière qui aura tout fait pour que la Tunisie soit l'invitée du G20. Ce n'est pas peu. Et de surcroît, il n'existe guère d'entreprise française parmi les 1270 installées en Tunisie – générant quelque 114000 emplois – eh bien aucune d'entre elles n'a quitté la Tunisie. Bien entendu – revers de la médaille – il y a bien eu des annulations d'externalisations sur la Tunisie, mais cela se comprend. Mais alors, à quel niveau ça grince ? Reconnaissons d'abord, à notre niveau, que nous sommes nous-mêmes en train de cultiver des réminiscences post coloniales, sentiment normalement dépassé depuis Bourguiba, mais qui revient tarauder, tel un vieux démon, ces âmes en quête d'exorcisme identitaire. La francophonie n'est pas antithétique à notre identité arabo-musulmane, thème récurrent depuis un certain moment et qui ressemble à ces interminables interrogations sur le sexe des anges. Et, puis, le discours ambivalent de M. Marzouki, (quoique invité par Sarkozy à se rendre en France) ne procède d'aucune rationalité, sans doute à cause des relations passionnelles qu'il a, lui personnellement, avec la France. Du côté français on n'a pas l'air d'inscrire la Tunisie dans les priorités. Alain Juppé avait bien déclaré que la France devait percevoir l'islamisme d'une autre manière, mais la méfiance à l'égard d'Ennahdha est pour le moins épidermique. Et si près de 60% des Tunisiens de France ont voté Ennahdha cela ne saurait servir de prétexte à la recrudescence de l'islamophobie. La vérité est que les deux pays doivent dépasser tout cela et oublier les anciennes compromissions, les dérapages verbaux et les frictions qui ne se justifiaient pas. La France a hébergé beaucoup d'opposants alors qu'elle était bien avec Ben Ali. C'est dans sa vocation. Khomeiny lui-même y a longtemps séjourné. Mais elle doit aussi comprendre les Tunisiens. Ils veulent une France à eux. C'est passionnel, mais c'est comme ça. Raouf KHALSI Rien taz riadh ben CITOYEN sami Mohamed Sadok Lejri