Si les étudiants sont aujourd'hui au cœur de la mouvance sociale, c'est parce qu'ils sont trop longtemps restés étrangers à leur propre destin, et qu'ils se sont résignés à ce « on » censé parler pour eux, tracer leur destinée et, au besoin, leur déchéance. Qu'ils soient barbus ou imberbes, ils restent acteurs vaguement grommelant, traînant le legs de la spoliation de toute authenticité, de toute dignité et finalement ce ne sont toujours, comme dirait André Gide, que des « visages fardés parce qu'ils paraissent les plus nus ». Qu'elles portent le voile, le niqab ou tout simplement le string, elles sont les unes et les autres victimes d'une féminité de façade, chahutée par des slogans libérateurs mais nourrissant au second degré un machisme récurrent… Celui-là même que le versant outrancier de l'islamisme veut ériger en dogme, exaltant la vertu croyante des hommes et conspuant la perfidie « naturelle » des femmes. Car, finalement, ce qui se passe à l'université n'est pas structurel. Ce n'est pas non plus un combat à teneur idéologique comme lors des années 70 où le Campus traversé par tous les courants (marxismes-léninismes, Maisoixante huitards, petits bourgeois et libéraux) était le fief d'un conflit d'une grande intensité : les étudiants qui fabriquent intra-muros, et sous les coups de matraque, leur démocratie, leur violence et leurs compromis. Ici nous sommes loin. La composante religieuse, outrancièrement religieuse même, avec des salafistes revendiquant leur légitimité de la victoire religieuse d'Ennahdha (sérieux problème pour Ennahdha, en fait) s'est invitée avec fracas dans la vie universitaire, hypothéquant le métabolisme d'une structure faite pour produire des cerveaux, des cadres, les futurs artisans de la croissance et de la démocratie et non pas des fanatiques criant aux mécréants et à la rédemption suprême. Si le gouvernement et si, surtout, Ennahdha ne réagissent pas la fameuse dichotomie « Islam-Démocratie » qu'ils promettent, restera lettre morte. PORTHOS daassi jamel khalsi imed