Dans l'histoire contemporaine de la Tunisie indépendante, en cette belle période des commencements où l'enseignement était à la fois démocratique et peu massif, un charbonnier a travaillé dur pour faire de son enfant un brillant étudiant et un haut fonctionnaire. Bien que père désormais d'un enfant muni d'un gros salaire, le père a continué à exercer son métier d'origine comme si de rien n'était. Le vieux a même pris l'initiative d'améliorer ses « revenus », juste avant la fulgurante promotion de son fils. Il a acheté une grosse théière qu'il posait sur un braséro, un canoun, alimenté du charbon qu'il vendait, pour distribuer du thé aux passants moyennant quelques deniers. Un jour, il y a eu ce court échange entre lui et son fils de plus en plus gêné de l'humble labeur de son papa : -« Père, laisse tomber ce travail et cette théière…je peux t'offrir ce qu'il faut pour bien vivre ! » -« Vois-tu, fiston, cette théière, tu peux pas m'obliger à la faire disparaître, c'est elle qui t'a produit, ce n'est pas toi qui l'as produite ! »