Homme de théâtre, animateur, comédien, rappeur, animateur, est ce que l'on appelle un artiste complet. Il a déjà travaillé pour de grands noms du théâtre et du cinéma tunisien et arabe. Il s'agit de Mohamed Ali Ben Jemaâ plus connu sous le nom de Daly qui nous livre ses impressions sur la Tunisie culturelle post- Révolution. Le Temps : Pensez-vous que le discours politique était omniprésent alors que la culture était absente durant 2011? Mohamed Ali Ben Jemaâ : Je pense que les politiciens ont ignoré totalement la culture dans leur discours politique. Les partis étaient totalement absents et aucun mouvement politique n'a donné sa vision de la culture, sa position par rapport au fait culturel. Aucun d'entre eux n'a revendiqué explicitement et sérieusement le droit à la culture. La culture ne l'intéresse pas. Chose qui s'est répercutée sur la vie culturelle du pays avec cette trêve ou plutôt cette jachère culturelle qu'a connue le pays durant 2011. Je pense que la révolution n'était pas uniquement un soulèvement contre le chômage mais aussi une opportunité de donner un nouvel élan à notre culture. La culture n'est pas un luxe mais un besoin nécessaire pour le peuple car sans culture, on ne peut pas avancer et apprendre les valeurs du pays *Cette situation a été une opportunité pour l'émergence de l'art engagé ? - La création a toujours été présente et manifestée à des degrés différents dans toutes les filières artistiques et spécialement dans le rap et la musique engagée. Plusieurs artistes ont gardé le silence, d'autres étaient de simples observateurs alors que certains ont essayé de proposer des spectacles de musique et de théâtre parlant de la révolution. Ce sont surtout ces jeunes qui ont investi la scène. Ils étaient surtout de jeunes musiciens, rappeurs, hommes et femmes de théâtre, acteurs, peintres, poètes, cinéastes et photographes. *Est-ce qu'il est encore prématuré de parler de l'évolution de la création en Tunisie après le 14 janvier ? - On n'a pas vraiment assisté à une redynamisation de la culture qui est restée le parent pauvre. Les gens sont occupés surtout par leur quotidien et les problèmes du chômage et d'emploi. La société était déconnectée de tout projet culturel. Ceci n'empêche pas que plusieurs jeunes ont essayé de sortir des sentiers battus et de s'ouvrir sur d'autres arts révolutionnaires. Je pense qu'après le 14 janvier, l'artiste tunisien doit se sentir libre. Il doit créer et innover en toute liberté sans restriction ni tutelle *La culture est-ce une responsabilité de l'Etat ou des privés ? - Il faut sortir du carcan institutionnel, réfléchir à une nouvelle méthode d'approche culturelle, d'encadrement, de restructuration et de création. L'Etat doit jouer un grand rôle dans le développement de la culture. Il doit financer les grands projets culturels. La Tunisie post-révolutionnaire a besoin de nouvelles institutions culturelles. Il faudrait changer l'image de la Tunisie. Il faudrait impliquer aussi les privés et les banques qui ne cessent de s'investir dans d'autres activités comme le football. Dans un pays comme les Etats-Unis, les dons sont fortement encouragés puisqu'ils s'accompagnent de déductions fiscales importantes. Les particuliers, qu'ils soient aisés ou non, consacrent une part de leur revenu aux activités culturelles. La vie culturelle ne disparaît donc pas quand elle est financée par des mécènes plutôt que par des fonds publics. Bref, le financement projet culturel n'est pas quelque chose de facile à obtenir. Choisir le bon financement projet culturel est parfois très difficile. *Comment démocratiser la culture ? - C'est la culture qui fait de nous des êtres capables d'apprécier et de comprendre des mots comme la liberté, la démocratie, le pluralisme, la diversité... Parler de démocratisation de la Culture signifie parler du fait que toute personne, nourrissant un désir d'enrichissement intellectuel, se trouve en possession de tous les outils qui lui assurent le pouvoir réel de s'orienter, en toute conscience, dans l'offre culturelle mais surtout d'en jouir. Cette démocratisation se fera à partir de l'école où on doit initier l'enfant aux différentes formes culturelles. La culture doit toucher notre campagne, nos villages, notre intérieur. Ces coins regorgent de talents. Il faudrait les impliquer dans tout projet culturel. *L'acteur Raouf Ben Yaghlane insiste sur l'inscription des droits à la culture dans la prochaine constitution. Qu'en pensez-vous ? - La culture avant le 14 janvier est une culture de soumission, maintenant il faut introduire une nouvelle logique de culture. Il faut maintenant insérer ce droit à la culture dans notre constitution. Cela constituera un grand acquis pour les acteurs culturels *Qu'allez-vous nous préparer pour les prochains jours ? - Je viens d'achever mon album « Je râpe » qui contient 18 titres. J'organise ces jours-ci une exposition de graffits pour immortaliser notre révolution à l'espace culturel El Maghzen avec la collaboration de quatre jeunes talents. Je pense reprendre mon activité d'acteur de théâtre, de télé et de cinéma. Propos recueillis par: Kamel Bouaouina