C'était une rencontre fortuite, pas du tout en l'air, rien de protocolaire. Entre confrères, à… double titre : avocat, bien sûr et… journaliste, car ce que les gens ne savent pas, M. B'hiri était, aussi, un homme de la plume dans les années 80 où une même respectable boite de presse (Dar Tunis-Hebdo) nous avait réunis, malgré nos… divergences. D'emblée, « bonjour, M. le ministre … ». Réplique amicale : «Ah, non ! Pas de protocole, entre nous ». On débattait de tout et de rien. Surtout de tout. Et de la justice, notamment, évidemment. Les confidences sont intéressantes. Le réflexe du journaliste : « Est-ce que je peux les publier ? ». (C'était, aussi, le réflexe du juriste, par devoir d'information, et d'honnêteté). Réponse : « Pourquoi pas, il n'y a pas de secret, plus rien à cacher ».
Dure, dure, l'infrastructure !
« L'actuel siège de la Cour de Cassation est une honte. Pas de bureaux pour les magistrats, et là où ils existent, ils ne font pas honneur. Un ancien ministre (NDLR : M. Farhat Rajhi), devenu président de chambre à la Cour suprême, est logé dans un bureau sinistre. Ce n'est pas possible. Aucune grande salle pour des conférences ou des projections (…) On pense à un grand palais du côté de la chambre des conseillers, au Bardo. C'es plus digne, plus respectueux de la plus grande institution judiciaire du pays. Le tribunal cantonal de Tunis ? Encore un siège honteux. Au 4ème étage d'un immeuble, sans ascenseur. Et depuis hier, m'a-t-on dit, sans eau ! Avec des dossiers dans les rues, lors des audiences, pour les acheminer au palais de Justice (…) On pense à un excellent siège à l'avenue Bab Bnat, face à la recette des finances, que le tribunal administratif qui l'a pris, va nous le céder (…). On m'a appelé pour inaugurer le tribunal de Nabeul : exigu, pas encore commode. Il faut rompre avec les « cérémonies » d'inauguration tant que le minimum n'est pas respecté. Cela va se faire quand il sera plus opérationnel ». Avec quels magistrats ? Un avis a été lancé à tous les magistrats du pays : la transparence la plus totale. On désignera les plus compétents après étude de tous les dossiers ».
17 sur 24 touchés !
« Lors des émeutes, 17 des 24 prisons ont subi de gros dégâts. Des prisons qui datent, en majorité de la colonisation. Indignes de la condition humaine (…). Tout est à revoir. Pas une seule des prisons n'a une ambulance équipée, ce n'est pas normal. A Mornaguia, ils sont 7000 détenus et pas un seul centre médical en son sein ! Les bonnes volontés pour aider et construire existent : l'exemple de la prison de Sfax où des travaux sont entrepris par des particuliers qui veulent aider le pays. C'est un bon signe. A généraliser. D'ailleurs, la dernière amnistie entre dans ce cadre-là. 9000, c'est du jamais fait. Les plus jeunes, les plus vieux, les plus malades sont libérés. C'est l'ordinateur, la base des données légales et objectives, qui s'en est chargé. Et nos prisons, inhumaines, en sont déchargées. On va en profiter pour les rénover (…). On est passé à 15000 détenus, mais avec la moitié pas encore jugée et condamnée. C'est grave de les laisser dans les mêmes cellules que ceux qui purgent leurs peines. Cela doit changer (…). Je suis un peu déçu qu'on n'ait pas mis en exergue l'abolition avouée de la peine de mort (en attendant le texte) et la société civile qui la réclamait n'a pas relevé la noblesse de la décision (…). Plus déçu encore par la libération de mon frère, devenu une « affaire » alors qu'il réunit plus que toutes les conditions (il a purgé plus des de la peine, alors que la moitié est la condition juridique). Fallait-il l'en priver, pace qu'il a un lien de parenté ? (…) Conclusion : ce n'est pas facile d'être responsable avec l'ère de la liberté. Tout est épié. C'est le prix de la démocratie balbutiante à payer… Fathi EL MOULDI