Débuts du XXe siècle. La Tunisie était sous occupation française. Mais elle était déjà une métropole avec son ballet diplomatique, les contrastes entre la ville arabe et l'exubérance française, un peu à la French cancan, le « Tunis de la Belle Epoque », d'entre les deux guerres, en somme. Une profusion de styles architecturaux. Le Baroque, quelque part aussi un zeste de Gothique avec des touches arabes et des façades sculptées avec les doigts d'orfèvre de ces Italiens imprégnés des harmonies vénitiennes. Ici, le théâtre, somptueux et coquet à la fois. Un peu plus loin ces arcades dont on eut dit que les Français voulaient en faire une surenchère culturelle contre les aqueducs romains de Bab Saâdoun... Sinon, donnant sur deux avenues, le Palmarium, avec son insondable galerie, pointait du regard ce Colisée, fief d'une bourgeoisie avec ses normes et ses règles... Sur l'autre versant, le Café de Paris, regroupait déjà des hauts cadres de l'administration mêlés à une intelligentsia tournée vers l'Occident, espèce de réplique - dans une adversité tacite - à celle orientalisée des génies de « Taht Essour » de Bab Souika. A l'époque le Tunisia Palace, construit en 1911, hébergeait les émissaires, les diplomates, les intellectuels français, à la veille, puis, à l'aube de l'Indépendance... L'hôtel, victime d'un réaménagement architectural confus tombait dès lors (sciemment ?) en ruine dès la fin des années 70... jusqu'à sa démolition totale car la ville avait décidé de changer de visage. Jeudi 12 juin 2007, au soir. Le Tunisia Palace est révélé à la générosité d'une métropole qui ressent un retour de nostalgie... Par rapport à l'ancien, il est déplacé de quelques centaines de mètres. Il est aux portes de la Médina, dans un immeuble réaménagé et dans lequel un visionnaire et un rêveur, Rachid Ben Yedder, avait vécu les temps héroïques, et y avait lancé la CFCT rebaptisée Amen Bank. Un petit bijou d'hôtel. Un quatre étoiles de luxe, pavoise aux ornements de vitraux et de boiseries rustiques. La façade ornée de statues combine trois styles conquérants : il y a du français des années 20, du vénitien de toujours (quelques touches empruntées au Théâtre municipal) et, bien sûr, l'appel traditionnel, l'appel de notre architecture arabe si vigilante par delà ce Port de France, traversé par des siècles de turbulences historiques... Le hall est fantastique. Envoûtant même. Il dégage une solennité distante, mais quelque part aussi une chaleur des murs qu'on a certes asticotés, rénovés, et ces poutres qu'on a enrobées mais qui chuchotent, qui murmurent, qui racontent une histoire... Le grand mérite de l'Amen Bank est de nous avoir restitué, en plein Tunis, un bijou appartenant la mémoire collective... Et en plus beau, dans cet amalgame de styles à l'image du restaurant, Le Dôme de ces chambres meublées en rustique, avec dominante de rouge, et de ces coins de bars à l'ambiance feutrée. Mais ce petit bijou n'a pas été confié à n'importe quelle chaîne. En prenant en gestion le « Tunisia Palace », la chaîne Golden Yasmin Hotels, lancée par Adel Boussarsar et qui est implantée à Tabarka, Tunis, Hammamet, Kairouan, Sfax et Douze étend son professionnalisme, son savoir-faire et sa conception de l'hôtellerie haut de gamme. Elle compte 11 unités et 2700 lits, et sa force est dans la diversification de son offre, depuis le golf, la plongée sous-marine, les séjours à thème et la thalassothérapie... Le tout en fonctions de deux cibles principales : le tourisme de loisirs et d'affaires. Il y avait du beau monde avant-hier soir au Tunisia Palace. Car la mythologie resurgit... elle est dans l'esprit de l'inoxydable Rachid Ben Yedder qui allait dans les coins et recoins, sans doute avec des flash back : « ici, c'était mon bureau », répétait-il, mêlés avec la fierté grisante d'avoir restitué un monument, à la mémoire collective... Et dans la symbiose, Adel Boussarsar et Golden Yasmine Hotels savent déjà ce qu'ils feront de ce petit bijou...