Après la formation des six commissions qui se pencheront sur l'élaboration de la Constitution, les grands débats auront lieu à partir de la semaine prochaine. En attendant les sites sociaux opportunistes à souhait ont vite fait de diffuser un projet de constitution attribué à Ennahdha. Même si le site web d'Ennahdha avait démenti qu'il s'agisse de la version officielle du projet concocté par Ennahdha, son contenu ne s'écarte pas beaucoup des grandes lignes annoncées lors de la campagne électorale ainsi que des dispositions contenues dans la loi fondamentale d'organisation provisoire des pouvoirs. Il s'agit d'un projet composé de 128 articles et 11 parties.Dans le préambule les auteurs du projet défendent un régime démocratique fondé où la légitimité revient au peuple. La séparation des pouvoirs est reconnue, ainsi que le respect des droits et des obligations du régime républicain. Ce régime garantit tous les droits et les libertés ainsi que l'égalité entre les citoyens. Le premier article de la Constitution de 1959 consacrant l'identité de la Tunisie est repris. La Tunisie est un Etat libre, indépendant , sa religion est l'islam , sa langue est l'arabe et son régime est la République. Par ailleurs, la religion musulmane est une source fondamentale, parmis d'autres pour la législation tunisienne. Dans le volet des libertés, il est dit en substance que la liberté de pensée, d'expression et de presse est garantie tout en respectant les sacralités de tous les peuples et religions. On parle d'amendements à introduire dans le code de travail pour garantir le droit de pratiquer le rite religieux sans que ça soit fait au détriment du devoir professionnel. Un Conseil islamique devrait être créé pour émettre les Fatwas, conformément à la religion musulmane, désigner les Imams, tout en oeuvrant pour assurer la neutralité des lieux de culte vis-à-vis de la propagande politique. Par ailleurs, le président de la République sera élu à la majorité des membres de la Chambres des députés. Il doit être musulman, de père, mère, grand- père du côté du père et de la mère musulmans, ne peut avoir une double nationalité. Il doit être âgé, au moins de 50 ans, bénéficiant de tous ses droits civiques et politiques. Il doit bénéficier du soutien d'au moins dix membres de la Chambre des députés. Et il ne peut se représenter qu'une seule fois. Ces prérogatives ne diffèrent pas de ce qui est actuellemnt d'usage dans le cadre de l'organisation provisoire des pouvoirs. La grande majorité des prérogatives du pouvoir exécutif est accordée au Chef du Gouvernement. Ses principales attributions se limitent à la signature des lois, et veiller à leur publication au Journal officiel, l'émargement et l'approbation des conventions qui nécessitent aussi l'accord du président de la Chambre des députés. Il est aussi le commandant en chef des forces armées, préside le Conseil supérieur de sécurité, déclare la guerre, signe la paix après approbation de la chambre des députés. Les autres prérogatives reviennent au Chef du Gouvernement, choisi et issu du parti qui a le plus grand nombre de sièges au sein de la Chambre des députés. Pour de nombreux observateurs, ces fuites servent de ballon d'essai pour tater le pouls de l'opinion publique. Il est clair que globalement, le contenu du projet en circulation dans le réseau internet, confirme l'option pour un régime parlementaire choisi par Ennahdha depuis le lancement de sa campagne électorale. Pour de nombreux observateurs, la réfrence à l'Islam comme source de droit et l'obligation de respecter les croyances sacrées des différentes religions est un clin d'œil pour les franges salafistes et extrémistes de la base électorale d'Ennahdha. Cette option remet en cause le caractère civil de l'Etat. Elle fait des citoyens des prisonniers des interprétations faites des textes sacrés par d'autres humains. La bataille pour la rédaction de la Constitution commence. Cette bataille préfigurera celle des prochaines élections. Celui qui la gagnera a de fortes chances de remporter les prochains rendez-vous électoraux. En ce qui concerne les autres forces politiques au sein de la Constituante et les différentes composantes de la société civile, sauront-elles ou pourront-elles s'unir pour faire passer une autre vision de la Constitution, moins colorée Nahdha ? Ettakatol avait promis qu'il ne fera pas d'alliance avec Ennahdha, ni aucune autre force lors des débats sur la loi fodamentale qui régira la vie politique durant plusieurs générations. Il faut s'attendre à ce qu'il respecte ses promesses et qu'il reste fidèle à ses choix modernistes. Le Congrès pour la République (CPR) ne manque pas de constituants proches d'Ennahdha. Comment se comporteront-ils ? Les forces se proclamant de la modernité et progressistes ont des positions claires. Numériquement, Ennahdha pour faire passer son projet aura besoin d'autres voix. Les trouvera-t-elle au sein du CPR ? Il faut s'attendre à des débats houleux. Hassine BOUAZRA glouba